Les dernières élections régionales ont laissé un goût amer au Front national. En dépit de son indéniable progression en nombre de voix, y compris entre les deux tours, le parti d'extrême-droite est reparti sans la moindre région. Un "plafond de verre" électoral que Marine Le Pen espère toujours briser en 2017 pour accéder à ce qui reste son objectif ultime : la présidence de la République.
Sortir de la caricature. Pour y parvenir, la présidente du Front national semble avoir choisi sa stratégie. Consciente que la campagne de la peur menée par ses adversaires fonctionne toujours et l'enferme dans une forme de caricature qui la ramène à son père, Marine Le Pen s'emploie à maintenir son parti à distance. Alors qu'elle s'était faite discrète depuis la rentrée, la conseillère régionale du Nord-Pas-de-Calais-Picardie a signé une tribune dans L'Opinion parue jeudi. Disant prendre la plume pour écrire en tant que "femme française libre", elle y défend les femmes après les agressions sexuelles à Cologne la nuit du nouvel an.
Des féministes à la rescousse. Au passage, la présidente du Front national en appelle à Elisabeth Badinter et Simone de Beauvoir, deux figures du féminisme. De quoi faire grincer les dents des sympathisants Front national les plus traditionnels. Le parti n'est en effet pas réputé pour être un grand partisan de la cause féministe. On se souvient de Marion Maréchal-Le Pen, candidate en Paca, qui avait dit souhaiter couper les subventions du Planning familial pour éviter la "banalisation de l'avortement". Ou encore de Dominique Martin, cet eurodéputé frontiste favorable à ce que les femmes restent au foyer pour libérer des emplois. Dans ce contexte, la tribune de Marine Le Pen apparaît comme une volonté de dépasser le cadre du parti.
Le modèle du MSI. Parallèlement, la présidente du Front national pourrait changer son parti en profondeur. Une modification du nom avait été évoquée. Reste à savoir s'il s'agira d'un gadget ou d'une véritable révolution, à l'instar de ce qu'avait fait, dans les années 1990, l'extrême-droite italienne. Sous l'impulsion de Gianfranco Fini, le Mouvement social italien était devenu l'Alliance nationale. Mais derrière le changement de marque, le leader politique avait aussi renoncé au fascisme et recentré son discours vers la droite modérée, ce qui lui avait permis de nouer des alliances et de s'installer comme un parti de gouvernement.
Trancher la ligne économique. Le changement du nom du FN n'aurait donc de sens que s'il s'accompagnait d'un véritable aggiornamento. Cela signifie abandonner ou détailler la sortie de l'euro, qui reste un facteur bloquant pour les personnes âgées et les CSP+. L'eurodéputé frontiste Nicolas Bay proposait d'ailleurs récemment sur Europe 1 une "sortie concertée" plutôt qu'une "sortie brutale" de l'euro. Marine Le Pen devra aussi trancher entre une ligne économique libérale, compatible avec l'électorat de droite, et une ligne protectionniste et étatiste, plus à gauche.