Il veut être la digue qui arrêtera la vague FN aux portes de l’Élysée. S’il ne brigue pas un second mandat, François Hollande veut à tout prix éviter de transmettre les clés du Palais à Marine Le Pen, en mai. D’où sa ferveur à combattre dans les mots et les actes la dynamique du parti d’extrême droite, crédité de plus de 25% dans la plupart des sondages. Mercredi, il a appelé l’ensemble du gouvernement à rester mobilisé face à "la menace de l’extrême droite". Dernier exemple d’une série de critiques adressées au Front national.
"Ultime devoir". Car depuis trois mois, François Hollande ne cesse de dresser le sombre tableau d’une France dirigée par Marine Le Pen. Sans jamais la nommer. "Si d’aventure la candidate du Front national l’emportait, elle engagerait immédiatement un processus de sortie de la zone euro, et même de l’Union européenne [UE]. C’est l’objectif de tous les populistes, d’où qu’ils soient : quitter l’Europe, se fermer au monde et imaginer un avenir entouré de barrières de toutes sortes et de frontières défendues par des miradors", déclare-t-il à plusieurs journalistes européens, en début de semaine. Et l’inquiétude de se muer en stratégie pour les quelques semaines qu’il lui reste à conduire le pays : "Mon ultime devoir, c’est de tout faire pour que la France ne puisse pas être convaincue par un tel projet, ni porter une si lourde responsabilité."
Les mises en garde en ce sens se sont multipliées. Tout commence quand, début décembre, il se réjouit de la défaite de Norbert Höfer, le candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle autrichienne. Le pays a fait, selon lui, "le choix de l’Europe et de l’ouverture". Comme souvent avec le Corrézien, le fond des messages qu’il distille est à lire entre les lignes. Pour lui, 2017 est déjà là.
" "Comment imaginer notre pays recroquevillé derrière des murs ?" "
Il envisage la victoire de Marine Le Pen. Nouvelle charge le 31 décembre, lors de ses derniers voeux prononcés depuis l’Élysée : "Ce que nous croyons acquis, la démocratie, la liberté, les droits sociaux et même la paix, tout cela devient vulnérable et réversible", analyse-t-il. "Comment imaginer notre pays recroquevillé derrière des murs, revenant à sa monnaie nationale et discriminant ses enfants selon leurs origines ? Mais ce ne serait plus la France !", lance-t-il. Encore une fois, le nom du Front national n’est pas prononcé.
Si François Hollande se positionne aussi clairement contre le parti de Marine Le Pen, c’est qu’il le considère comme un potentiel vainqueur du printemps à suivre. "Tout peut basculer. Mon rôle aujourd’hui est de vous le dire bien en face", adresse-t-il aux Corréziens, début janvier. La victoire de Benoît Hamon et le déclenchement de l’affaire Fillon le confortent dans cette idée : il envisage "une victoire de Marine Le Pen" en mai, rapporte un de ses conseillers dans le Canard enchaîné, mi-février. "Toute cette débauche d'énergie pour m'empêcher de me présenter et pour se retrouver avec Le Pen aux portes du pouvoir", soupire-t-il d’après l’hebdomadaire, en référence à ceux qui l’ont poussé à ne pas se représenter.
Trilogie du populisme. Blasé, mais combatif. Il s’engagera contre le Front national durant la campagne, confirmaient des proches du chef de l’État cités par le JDD en février. La bataille menée par l’Élysée se joue d’abord sur le plan des idées. François Hollande s’emploie à descendre en flèches les mesures phares du parti de Marine Le Pen, comme le protectionnisme, source de "très grandes difficultés", de "repli" et de "fausse souveraineté". Dans toutes ses déclarations, François Hollande dresse des parallèles entre le programme de la dirigeante d’extrême droite et ceux des responsables britanniques du Ukip, partisans du Brexit, mais surtout à Donald Trump, élu en novembre aux États-Unis. Pour lui, la situation est claire : une trilogie du populisme est en marche.
" "La France ne succombera jamais à l'extrémisme" "
À mesure que l’élection présidentielle se rapproche, les sorties de François Hollande redoublent d’intensité. "La France, elle ne succombera jamais à l'extrémisme", espère-t-il lors du dîner du Crif, le 22 février. Quand la présidente du Front national attaque les fonctionnaires, aux ordres selon elle d’un "pouvoir politique aux abois", le locataire de l’Élysée répond sèchement : "Je n'accepterai jamais que l'on puisse mettre en cause les fonctionnaires dans notre République."
Visées européennes. Rien n’indique que ce rythme va faiblir : le président de la République va multiplier les déplacements sur les terres favorables au FN. Il était en Moselle lundi, puis dans le Pas-de-Calais, mardi, avant de se rendre à Vitrolles, samedi. Pour le fin connaisseur de la carte électorale qu’il est, le hasard n’est pas permis.
Et son combat devrait continuer au-delà de l’Élysée, car on lui prête déjà des vues sur un poste à responsabilité au niveau européen, dans la lignée de son ex-mentor Jacques Delors. Mais avant cela, il lui reste à remplir un dernier objectif : empêcher Marine Le Pen et l’extrême droite de franchir les grilles du 55, Faubourg Saint-Honoré.