Inconnu du grand public jusqu’à lundi, Jean-François Jalkh a fait une apparition éphémère mais remarquée dans la lumière médiatique. Celui, qui, par son statut de premier vice-président, devait diriger par intérim le parti frontiste - après le recul pris par Marine Le Pen pour se consacrer à la campagne présidentielle -, a vu certains de ses propos à tonalité négationniste être exhumés. "Moi, je dis qu’on doit pouvoir discuter même de ce problème" [des chambres à gaz]", avait-il dit en 2000, selon des propos rapportés dans un article d'un numéro de 2005 de la revue Le Temps des savoirs. "Mais je dis moi, quelque chose qui m'a énormément surpris, dans les travaux d'un négationniste ou d'un révisionniste sérieux (...), c'est le sérieux et la rigueur, je dirais, de l'argumentation", disait-il également.
"C’est la première fois que j’entends ce genre de conneries, je n’ai aucun souvenir de ça", s’était-il défendu jeudi dans Le Monde, sans toutefois répondre sur le fond. "Je ne suis pas un débutant au FN, j’y suis depuis 1974 : je mets quiconque au défi de dire m’avoir entendu tenir des propos sur ces sujets-là." Mais le mal était fait. Conséquence : l’ancien député, élu de 1986 à 1988, a décidé vendredi de laisser la place à Steeve Briois. Selon Valérie Igounet, spécialiste du Front national, cette affaire, montre le "sempiternel problème" de Marine Le Pen, confronté au négationnisme au sein du FN. Même s’il est, selon cette historienne, trop tôt pour savoir son impact électoral en vue du second tour de la présidentielle.
Jean-François Jalkh était jusqu’alors peu connu du grand public, c’est désormais moins le cas. Quel est sa place au sein du Front national ?
C’est un historique, ce qui n’est pas rien. Il a participé à l’élaboration du Front national, créé en 1972. Il y est entré en 1974, en pleine période faste du négationnisme au FN. Pourtant, même si je l’ai rencontré à plusieurs reprises dans le cadre de mes travaux, je n’avais pas connaissance de ses propos. Ce qu’on peut dire, c’est qu’il connaît bien l’histoire du parti, il a eu des fonctions intéressantes, il a ainsi été député en 1986. Et depuis le congrès de Tours (en 2011, au cours duquel Marine Le Pen a été élu présidente, ndlr), il a une responsabilité non négligeable, qui montre l’importance de sa place au Front national.
A quel point cette affaire peut-elle nuire à la campagne de Marine Le Pen ?
Marine le Pen ne devait probablement pas avoir connaissance de ces propos. Cette polémique tombe mal, surtout après celle sur la responsabilité de la France dans la rafle du Vel’ d’Hiv’. Et puis elle est de nouveau confrontée au sempiternel problème du négationnisme au sein du Front national. On se souvient ainsi des propos tenus par un responsable local en caméra discrète dans un documentaire sur C8 (Benoît Loeuillet,, qui avait affirmé : "Je ne sais pas trop quoi penser de la thèse révisionniste. C'est compliqué. Bon, après, je pense qu'il n'y a pas eu autant de morts. Il n'y a pas eu 6 millions"). Et voilà qu’elle retombe sur une polémique sur le négationnisme…
Maintenant, est-ce que ça peut coûter des voix à Marine Le Pen ? Ce qui est sûr, c’est qu’elle va être obligée de réagir, de faire un communiqué de presse. Mais cela reste trop tôt pour le dire. On va voir la suite, si par exemple la polémique s’amplifie, ce qui n’est pas certain. D’autant que Steeve Briois, qui remplace Jean-François Jalkh à la présidence par intérim, est insoupçonnable. Sur cette question du négationnisme, son discours est clair. Les gens vont chercher, mais à mon avis, ils ne vont rien trouver.
Jean-François Jalkh était peu connu, on l’a dit. On imagine maintenant qu’il va retourner dans l’ombre…
Pour lui, cette polémique n’est pas anodine. Quand on est taxé d’être négationniste, on entre d’un seul coup dans la sphère médiatique, et on n’en sort pas comme ça. Il va se faire discret, mais à mon avis, l’histoire n’est pas close. D’autant que je suis sceptique sur sa défense. Il réfute ses propos, mais il ne renie pas la thématique elle-même. C’est ce qui est à mon sens le plus révélateur, qu’il ne revienne pas sur le fond. Reste à connaitre aussi son avenir au sein même du Front national. Va-t-il en être exclu ? Désormais, c’est cela qui m’intéresse.
*Auteure notamment de Le Front national de 1972 à nos jours : le parti, les hommes, les idées, éditions Le Seuil, 2014