Évidemment, ils se sont frotté les mains. Qu'un poids lourd du Parti socialiste comme Martine Aubry apporte publiquement son soutien à Benoît Hamon pour la primaire de la gauche, lundi, cela ne pouvait que faire plaisir au principal intéressé et à son entourage. "Nous nous réjouissons qu'[elle] fasse ce choix clair pour le second tour", s'est exclamé Pascal Cherki, proche du candidat sorti en tête du premier tour, sur RTL. "La dynamique s'amplifie", a renchéri Mathieu Hanotin, porte-parole de Benoît Hamon, sur Twitter.
C'est aussi dans le fief lillois de Martine Aubry que l'ancien ministre de l'Éducation tient, vendredi soir, son dernier meeting avant la fin de la campagne et le second tour du scrutin. Tout un symbole. La maire de Lille aussi y avait rassemblé 3.000 personnes dans l'entre-deux-tours de la primaire de 2011.
Un soutien tardif… Mais à bien y regarder, le soutien de la maire de Lille ne serait-il pas sur-estimé ? Pour commencer, il vient un peu tard. Dans l'entre-deux-tours, alors que Martine Aubry est soigneusement restée en retrait de la campagne jusqu'ici. Certes, elle s'est tenue à l'écart de la scène politique en raison de problèmes de santé. Officiellement. Mais Benoît Hamon espérait tout de même un coup de pouce. "Martine Aubry m'avait confiée qu'elle me soutiendrait. Son bras droit, François Lamy, m'avait invité à déjeuner pour me le confirmer. Et puis, plus rien", regrettait le candidat en octobre dernier dans les colonnes du JDD. À peine un mot doux lâché à L'Obs début janvier : "Ce qui m'a toujours frappé chez Benoît, c'est qu'il comprend bien la société. En plus, il a de l'humour, ne se prend pas au sérieux. Il a pris de la maturité et son parcours est cohérent."
…et discret. S'il est si tardif, c'est que l'appui de la maire de Lille, mais aussi de ses lieutenants, n'est pas tout à fait plein et entier. Dans le communiqué annonçant leur ralliement, les aubrystes ont pris soin de se féliciter "qu'Arnaud Montebourg, qui a porté des idées fortes et des réponses justes sur l'économie et la mondialisation, ait exprimé un choix clair en sa faveur". Signe que leur cœur a longtemps balancé. "C'était divisé entre [Benoît Hamon et Arnaud Montebourg]", a d'ailleurs reconnu Jean-Marc Germain, signataire du communiqué. "Il fallait que chacun fasse ses preuves, convainque les Français."
Le soutien de la maire de Lille sera forcément discret. Toujours en convalescence après une opération autour du nerf sciatique, Martine Aubry ne va pas pouvoir assister au meeting de Benoît Hamon, vendredi soir dans son fief, ni se déplacer pour voter au second tour de la primaire.
" C'était divisé entre [Benoît Hamon et Arnaud Montebourg]. Il fallait que chacun fasse ses preuves, convainque les Français. "
Des défaites dans le Nord. Surtout, il n'est pas sûr qu'il ait tant de poids que cela. Certes, l'ancienne candidate à la primaire de 2011 a toujours fait son possible pour ne pas se faire oublier de la scène politique nationale. En distillant au compte-goutte des tribunes ou des avis sévères sur la politique gouvernementale. Mais elle a vu son influence s'effriter au fil de revers électoraux. Au profit de la droite, d'abord, qui lui a ravi la présidence de la métropole du Grand Lille en avril 2014, après sa poussée aux élections municipales. En mars 2015, pour les départementales, le PS a aussi perdu le Nord, tombé aux mains des Républicains. Et la vague bleue s'est poursuivie avec la victoire de Xavier Bertrand aux régionales. Le poulain de Martine Aubry, Pierre de Saintignon, n'avait fait que troisième et avait préféré se retirer pour faire barrage au Front national.
Une influence politique qui s'effrite. Même au sein du PS, l'influence de la maire de Lille s'est effritée avec un sévère revers, en juin 2015. L'un de ses fidèles, Gilles Pargneaux, avait alors perdu la tête de la puissante fédération socialiste du Nord, qu'il dirigeait depuis dix ans. Évincé par Martine Filleul, proche du ministre des Sports, Patrick Kanner, avec lequel Martine Aubry est en froid depuis son entrée au gouvernement et…sa conversion au vallsisme. Surtout, la maire de Lille s'était rallié à la motion de Jean-Christophe Cambadélis, pro-gouvernement, lors du Congrès de Poitiers. Perdant son label de "frondeuse" et une partie de sa crédibilité aux yeux des socialistes les plus critiques à l'égard de François Hollande.
" Ce [ralliement] n'a aucune espèce d'importance. "
Le clan Valls n'est pas impressionné. Reste que, chaque fois que Martine Aubry prend la plume ou la parole, cela fait du bruit. Chez Manuel Valls néanmoins, on s'efforce de minimiser. En soulignant notamment que parmi les 20 signataires du communiqué de soutien à Benoît Hamon, beaucoup de noms avaient déjà officiellement rallié le candidat, comme l'ancienne ministre Marylise Lebranchu ou l'ancien maire de Toulouse, Pierre Cohen. À l'inverse, il manque des aubrystes de la première heure comme le député socialiste de l'Hérault Christian Assaf. "La méthode oscille entre bidouillage et raccrochage aux branches pour être sûr de rester dans la direction du PS à l'avenir", raille un soutien de Manuel Valls dans Libération. Sur RTL, le député vallsiste Philippe Doucet a estimé que ce ralliement n'avait "aucune espèce d'importance". "Les électeurs et les électrices aujourd'hui sont libres et chacun va se déterminer dimanche prochain."