"La France des oubliés". Le slogan de Marine Le Pen résonne tout particulièrement à la lecture d’une enquête Ifop publiée en avril 2016. L’institut de sondage s’est en effet penché sur le score du FN aux Européennes de 2014 dans les petites villes et villages. Et le résultat est édifiant : l’absence de services privés ou publics comme les épiceries, les postes ou les médecins encourage le vote en faveur du parti frontiste.
Que révèle l’enquête ? Moins il y a de commerce ou de services, plus le vote FN prospère. Ainsi, lorsque dans les communes de moins 500 habitants, il n’y a aucun service, plus de 30% des électeurs ont voté Front national aux Européennes. Au contraire, plus il y a de services et plus le vote FN diminue. Ainsi, celui-ci tombe à 23,5% des suffrages exprimés lorsqu’il y a plus de six services dans la commune. La courbe est sensiblement la même pour les communes entre 500 et 1.000 habitants.
Si l’on s’intéresse maintenant aux types de services, les résultats de l’enquête sont éclairants. En haut du podium : le bureau de poste. Il fait reculer de 3,4 points le vote FN s’il est présent dans la commune. L’épicerie fait elle baisser le vote frontiste de 2,5 points, la banque de 2,3, le restaurant de 2,1, la pharmacie de 1,9 et le médecin de 1,6.
"Nos analyses sont entendues et convaincantes". Comment réagit-on au Front national ? On préfère retenir le bon côté de cette enquête. En clair, le FN est le seul recours dans les communes désertées des commerces et abandonnées par les services publics. "Cette étude confirme que le vote patriote s’explique par une multitude de sujets et non seulement par l’immigration comme certains veulent encore le croire", affirme à Europe 1 Florian Philippot.
Le vice-président du parti se félicite aussi que l’étude "démontre que nos analyses et propositions sur les services publics et l’abandon par l’Etat de pans entiers du territoire national, cette France oubliée et invisible, sont entendues et convaincantes".
"Ces services participent à la construction d’une confiance, rempart au FN". Joël Gombin, politiste et spécialiste du vote FN, a une tout autre lecture. "On sait que le vote FN est très corrélé aux questions de défiance, défiance institutionnelle mais aussi interpersonnelle (vos voisins, les gens que vous côtoyez)", explique-t-il à Europe 1. "La confiance, elle se bâtit au quotidien à partir des interactions que vous avez avec vos voisins mais aussi avec les services publics ou les commerces. Et ces services participent justement à la construction d’une confiance, qui est un rempart au FN". Pour lui, "la stratégie du FN s’appuie sur la défiance, en cherchant à l’exploiter".
Pour autant, cette étude de l’Ifop ne dit pas tout, souligne le politiste. En effet, il manque la relation de cause à effet : "que se passe-t-il lorsqu’il y a un changement ? Quand un médecin arrive ou au contraire, part ?".
Et en ville ? Si l’enquête de l’Ifop se concentrait uniquement sur les petites villes de moins de 1.000 habitants, Joël Gombin a eu l’idée de reproduire la même enquête sur la ville de Marseille. Dans un article publié sur son blog et intitulé malicieusement "Un boulanger keeps the FN away", le chercheur a démontré que l’on pouvait tirer les mêmes enseignements dans la cité phocéenne. Mais Joel Gombin précise : "Marseille est une ville très hétérogène, avec des quartiers périphériques comparables en terme d’offre de services à des villages ruraux. Les résultats seraient peut-être moins clairs dans des villes plus homogènes avec moins de périphérie".