Montebourg-Hamon : la guerre est déclarée

Les divergences entre Benoît Hamon et Arnaud Montebourg sont apparues nettement lors du deuxième débat de la primaire du PS et de ses alliés. © bertrand GUAY / AFP
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Les deux candidats à la primaire PS, tenants d’une ligne à gauche, s’écharpent par le biais de leurs soutiens. Et ça n’a rien d’innocent, car ils sont deux pour une place

Voilà bien le symptôme d’un mal qui commence à être profond. Entre lundi soir et mardi matin, les soutiens d’Arnaud Montebourg et Benoît Hamon se sont écharpés par médias et réseaux sociaux interposés, et ça n’est pas un hasard. Entre les deux candidats à la primaire PS, longtemps considérés comme proche, humainement et idéologiquement, le courant passe de plus en plus mal. En cause, la montée en puissance du second, qui menace la place jusqu’alors quasi certaine du premier au deuxième tour de la primaire. Mais aussi de vraies divergences sur le fond.

  • La "gauche carambar" se rebiffe

Tout a commencé lundi sur Europe 1. François Kalfon, directeur de campagne d’Arnaud Montebourg, joue les snipers. Dans son viseur, Benoît Hamon. "Ça s'appelle la gauche Carambar : vous ouvrez un Carambar, vous y voyez une idée, elle est originale sans doute, irréalisable certainement, et puis vous agitez cela", lâche cet ancien proche de Dominique Strauss-Kahn. "Alors, demain, je vais annoncer la fin du travail, je peux le faire mais ça n'est pas un projet politique", ironise-t-il encore. Sans surprise, la saillie n’a pas vraiment plu dans le camp de son adversaire. La réponse de Mathieu Hanotin, porte-parole de Benoît Hamon, est plutôt mesurée, d’autant que via un montage photo, elle égratigne aussi, au passage, Manuel Valls :

La riposte de Pascal Cherki, proche de l’ancien ministre de l’Education, est, elle, beaucoup plus virulente :

François Kalfon a fait amende honorable sur iTélé mardi matin. "J’ai vu qu’ils étaient pas très contents. En plus, ce sont mes amis. J’ai beaucoup d’affection pour Benoît Hamon. Ça a suscité une polémique de cour d’école sur Twitter. C’est vraiment pas au niveau du débat. Il faut élever le débat, d’ailleurs je m’excuse de l’avoir abaissé", a-t-il déclaré. L’incident est clos, mais le mal est fait.  

  • Une dynamique et des désaccords

La bonne dynamique d’Hamon. Si les choses se corsent entre les deux camps, c’est d’abord parce que Benoît Hamon monte en puissance. Et que c’est forcément au détriment d’Arnaud Montebourg. Au point que l’ancien ministre du Redressement productif sait sa place de finaliste menacée. Selon un sondage Harris interactive publié le 5 janvier, Benoît Hamon gagnait ainsi 11 points et émargeait à 22% des intentions de vote, trois points seulement derrière son plus proche adversaire. Et c’était avant les deux premiers débats.

Des débats au cours desquels Benoît Hamon a été plutôt convaincant. Selon une enquête Elabe publiée au soir de la deuxième soirée télévisée, lundi donc, l’ancien ministre de l’Education a été jugé le plus convaincant par 30% des sympathisants de gauche, les plus susceptibles de voter, avec une sensible avance sur Arnaud Montebourg (24%). Forcément, la bienveillance des débuts a laissé place à une sourde hostilité.

Des vraies divergences de fond. On les pensait très proches idéologiquement au moment où,  ensemble, à la fin de l’été 2014, ils avaient défié François Hollande et Manuel Valls, réclamant des inflexions du gouvernement en matière de politique économique et provoquant de fait leur démission du gouvernement. Et de fait, les deux hommes sont classées à la gauche du Parti socialiste, étiquetés frondeurs.

Mais de vrais désaccords existent bel et bien, et ils sont parfois profonds. Sur la laïcité, sur le rapport à l’Europe ou encore sur la légalisation du cannabis, ils s’opposent. Quant au débat sur le revenu universel, le cheval de bataille de Benoît Hamon, il cache rien de moins qu’une divergence sur la société dans son ensemble. "Je préfère défendre une société du travail, où on rétribue correctement le travail, où on encourage par la fiscalité le travail, où on améliore les conditions de travail", a ainsi lancé l’ancien ministre du Redressement productif lundi lors d’un stand-up dans les rues de Lille.

Un meeting en pleine rue au cours duquel Arnaud Montebourg, sans épargner ses autres adversaires, a très clairement ciblé en priorité Benoît Hamon. Un antagonisme qui devrait rythmer la dernière semaine de campagne, et pourrait animer le dernier débat de la primaire du PS, programmé jeudi soir.