Quelle mouche a donc piqué Emmanuel Macron ? Ce président qui promet des serrages de ceinture à tout va, baisse les aides au logement et souhaite réformer le code du travail pour donner plus de souplesse aux entreprises aurait-il abandonné ses croyances libérales ? L'annonce, jeudi, de la nationalisation des chantiers navals de Saint-Nazaire, STX, afin d'éviter que le groupe italien Fincantieri n'en prenne le contrôle, a pu surprendre. Même si le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a insisté sur le fait que cette "décision de préemption" était "temporaire, le choix de l'Élysée semble trancher avec la ligne économique du chef de l'État.
Macron n'est pas l'anti-Montebourg. À bien y regarder néanmoins, cette décision n'a rien d'une volte-face, ni même d'un virage. Et n'est pas si étonnante de la part d'Emmanuel Macron. Celui-ci a été très souvent présenté comme "l'anti-Montebourg" lorsqu'il a remplacé celui-ci à Bercy en 2014. En partie à tort, car les deux hommes partagent au moins une vision de l'industrie nationale. Tous deux estiment que l'État a un rôle à jouer pour préserver, voire faire prospérer celle-ci. Aucun ne croit en un marché qui s'autorégulerait entièrement seul. Et Emmanuel Macron avait marché dans les pas de son prédécesseur, reprenant à son compte ses 34 plans industriels.
"Comme Montebourg, Macron est un jacobin", explique ainsi un haut fonctionnaire qui l'a côtoyé au Monde. "Il est persuadé que l'État peut beaucoup et qu'il faut utiliser les pouvoirs conférés par la Constitution."
Opposé à la vente de Dailymotion. Emmanuel Macron l'a d'ailleurs prouvé par le passé. Lorsqu'il avait pris son poste au troisième étage de Bercy, le ministre de François Hollande avait pris plusieurs décisions pour éviter que des entreprises françaises passent sous pavillon étranger. Il s'était notamment opposé à la vente de Dailymotion au hongkongais PCCW. Il avait vivement encouragé Orange à privilégier une option européenne. Finalement, c'est Vivendi qui avait racheté 80% des parts de la plateforme de vidéos en 2015, avant de monter à 90%.
"Un État stratège et actionnaire fort". Emmanuel Macron avait certes soutenu des privatisations (comme celles, partielles, des aéroports de Toulouse, Nice ou Lyon) mais aussi plaidé pour plus d'engagement étatique dans des entreprises stratégiques, comme PSA lorsqu'il était encore secrétaire général de l'Elysée, ou Orange –ce qui l'avait d'ailleurs, à l'époque, conduit à ferrailler avec Martin Bouygues. La nationalisation temporaire des chantiers navals de Saint-Nazaire s'inscrit dans la droite ligne de son leitmotiv à Bercy : avoir "un État stratège et actionnaire fort".