Ouvriers, électeurs de droite, électeurs ruraux : qui sont ceux qui n'ont pas voté Macron ?

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Si Emmanuel Macron a été élu président dimanche, il n'a pas su convaincre les classes populaires. © JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
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Ils n'étaient pas convaincus par son projet. Ils n'ont pas non plus fait front républicain. Analyse sociologique de ces millions d'électeurs qui n'ont pas voté pour Emmanuel Macron dimanche.

Qu'ils aient préféré s'abstenir, voter blanc ou nul, ou accorder leur voix à Marine Le Pen, des millions d'électeurs français n'ont pas voté pour Emmanuel Macron dimanche, au second tour de la présidentielle. Parmi eux, des profils particuliers se dégagent : les ouvriers, les habitants de zones plutôt rurales, les électeurs de droite ou encore les sympathisants d'extrême gauche.

Les catégories sociales les plus basses

Les ouvriers, les plus pauvres et les moins diplômés n'ont pas franchement plébiscité Emmanuel Macron. Selon l'enquête post-scrutin de l'institut Ipsos, 56% des ouvriers ont préféré glisser un bulletin Marine Le Pen dans l'urne. C'est l'une des rares catégories de la population où la candidate frontiste fait mieux que son adversaire.

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Elle réalise aussi des scores supérieurs à sa moyenne nationale chez les foyers dont le revenu est inférieur à 1.250 euros mensuels (45%). Enfin, 45% des électeurs ayant un niveau de diplôme inférieur à celui du baccalauréat ont préféré voter pour elle plutôt que pour Emmanuel Macron.

Enfin, les chômeurs aussi ont eu du mal à se laisser tenter par le candidat En Marche!. Beaucoup d'entre eux (35%) se sont abstenus et, parmi ceux qui ont exprimé un vote, 47% ont glissé un bulletin Marine Le Pen.

La France pessimiste

Emmanuel Macron, souvent moqué pour être le candidat de la "mondialisation heureuse", c'est-à-dire des gens qui vont bien, a de fait réalisé de faibles scores auprès de ceux qui disent aller mal. Près de sept électeurs sur dix qui déclarent "s'en sortir très difficilement" financièrement ont voté pour Marine Le Pen. Chez ceux qui pensent que leur génération vivra "moins bien" que la précédente, 41% ont penché pour la candidate frontiste.

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Les électeurs de droite…

Si Emmanuel Macron a pu compter sur le vote de 48% de ceux qui avaient préféré François Fillon au premier tour, l'électorat de droite ne lui est pas acquis pour autant. D'abord, le report des voix de Nicolas Dupont-Aignan, qui avait rallié Marine Le Pen entre les deux tours, ne lui a pas été favorable : il n'a bénéficié que de 27% de ces suffrages, quand la candidate du Front national en a récolté 30%. Plus généralement, 53% des électeurs interrogés par Ipsos qui se positionnent "à droite" préfèrent la fille de Jean-Marie Le Pen à Emmanuel Macron.

…et d'extrême gauche

De l'autre côté de l'échiquier politique, le leader d'En Marche! n'a pas beaucoup plus la cote. D'abord, Marine Le Pen engrange 41% des suffrages des personnes qui se disent sympathisantes d'extrême gauche. Mais surtout, l'abstention et le vote nul ou blanc sont très fréquents. Un quart des électeurs de Jean-Luc Mélenchon au premier tour n'ont pas voté au second et 17% d'entre eux ont glissé un bulletin nul ou blanc dans l'urne.

La France de l'Est et du pourtour méditerranéen...

À bien regarder la carte de France après cette élection, une chose est sûre : des Hauts-de-France jusqu'à la région Grand-Est, Marine Le Pen réalise ses meilleurs scores. Voilà donc une partie du territoire qui n'a pas voté Emmanuel Macron. C'est particulièrement vrai dans l'Aisne et le Pas-de-Calais, les deux seuls départements dans lesquels la candidate frontiste est arrivée en tête.

Difficile aussi pour Emmanuel Macron de séduire les électeurs du pourtour méditerranéen, qui lui ont préféré son adversaire dans de nombreuses communes des Bouches-du-Rhône, du Gard, du Vaucluse, de l'Hérault et des Pyrénées-Orientales. Ce sont aussi dans ces départements que l'abstention a beaucoup progressé entre le premier et le second tour.

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…et la France rurale

Emmanuel Macron n'est pas uniquement le candidat des villes. En réalité, il obtient plus de la majorité des voix partout : largement dans les agglomérations de plus de 100.000 habitants (72%), plus justement dans les zones rurales (57%). Néanmoins, il existe bel et bien une scission géographique. Beaucoup de secteurs ruraux lui préfèrent Marine Le Pen dans le nord et l'est, mais aussi le sud de la Charente-Maritime et la Gironde, ainsi que des poches en région Centre-Val de Loire. Sans surprise, les zones délaissées, industriellement et socialement, ont tendance à voter plus Front national que les autres.

Mais la France rurale a aussi une nette tendance à s'abstenir ou à voter blanc ou nul. Au second tour, c'est en Corse qu'on s'est le plus abstenu. Dans la Creuse, l'Ariège, la Corrèze, la Lozère, la Dordogne, le Lot ou encore l'Allier, le taux de bulletins blancs ou nuls a été très élevé. Certes, ce sont là des départements qui votent plutôt à gauche, ce qui explique en partie cette tendance à refuser de choisir entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Mais des problématiques comme la désertification et la disparition des services publics expliquent également le choix de manifester son mécontentement dans les urnes.