La grogne monte parmi les parlementaires socialistes. Ils sont de plus en plus nombreux à s'élever ouvertement contre l'une des mesures annoncées par François Hollande pour lutter contre le terrorisme. Le 16 novembre dernier, le chef de l'Etat s'était en effet prononcé pour la possibilité de déchoir de sa nationalité française les binationaux, nés en France. Une proposition qui fait bondir Pascal Cherki, député socialiste de Paris, interrogé dans Europe Midi.
"Aucune efficacité". Pour l'élu, cette mesure, qui "existe déjà pour les personnes ayant acquis la nationalité française", n'a "aucune efficacité dans la lutte antiterroriste". Et le député de souligner que la plupart des auteurs d'actes de terrorisme se suicident, sont tués lors de leur traque ou, lorsqu'ils sont attrapés, encourent de très longues peines de prison.
Une revendication d'extrême-droite. Mais plus encore que pour son inefficacité, c'est sur le principe que Pascal Cherki s'oppose à ce dispositif. "Je considère que c'est un tabou. Ne pas toucher à l'attribution de nationalité fait partie de notre patrimoine républicain, de gauche comme de droite." En effet, si la droite a régulièrement parlé de déchéance de nationalité dans le cas d'une acquisition (provoquant, d'ailleurs, un tollé à gauche), il n'a jamais été question d'élargir cette possibilité aux personnes nées en France. En revanche, "c'est l'une des plus vieilles revendications du Front national, et même du bloc identitaire". Pascal Cherki rappelle en outre qu'une telle mesure n'a été employée "qu'une seule fois dans l'histoire de France, sous Vichy, lorsque l'Etat français a massivement retiré la nationalité française aux Juifs nés en Algérie".
Le Conseil d'Etat saisi. Pour voter cette mesure, le gouvernement n'a d'autre choix que de modifier la loi sur le terrorisme de 2006, et sera peut-être même obligé de toucher à la Constitution. Le Conseil d'Etat a été saisi en urgence lundi pour indiquer la marche à suivre. Mais Pascal Cherki reconnaît sans mal que cette instance ne peut s'opposer purement et simplement à la déchéance de nationalité pour les personnes nées françaises. "Ce n'est pas un problème de droit, mais de principe politique", a-t-il conclu.