Que dit la gifle reçue par Emmanuel Macron du climat politique actuel ? Pour Pascal Perrineau, politologue, professeur émérite à Sciences Po, auteur d'un Que sais-je ? sur le populisme, cet acte d'une "portée symbolique extrêmement forte" doit être "resitué dans un contexte de beaucoup de violences". Il estime que cela montre un dysfonctionnement de la société démocratique telle qu'elle devrait être et donne des éléments d'explications à l'hystérisation du débat : le rôle des réseaux sociaux et la faiblesse des corps intermédiaires.
Un contexte de "violences"
Même si Emmanuel Macron a cherché à minimiser la gifle qu'il a reçue, Pascal Perrineau estime qu'elle a "été un acte qui a beaucoup marqué les Français. Ce n'est pas tous les jours qu'un quidam lève la main sur le président de la République pour le gifler". Minorer cet acte à la forte symbolique serait une erreur selon lui, d'autant que le contexte est celui "de beaucoup de violences : dans les mots, dans les actes, symbolique, réelle".
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Le politologue cite ainsi les affaires "de violences entre adolescents", celles "vis-à-vis des forces de l'ordre qui se sont beaucoup développées" et même contre les pompiers "qui, pourtant, sont la profession la plus aimée en France". "Et je ne parle pas, bien sûr, de la violence terroriste qui est là et qui rôde", ajoute Pascal Perrineau. "La société française, sous cet aspect, ne va pas bien et on a l'impression parfois que moins il y a d'idées, plus il y a de violence, comme si la société s'énervait, était à la recherche d'un centre de gravité, d'un véritable débat démocratique, et ne le trouve pas".
"La société française a beaucoup de mal à trouver cette voie démocratique du débat"
"Faute de trouver les mots, pour dire ses espoirs, mais aussi ses inquiétudes et éventuellement ses colères, on passe à l'acte", analyse-t-il encore. Un comportement qui n'est, selon lui, pas digne d'une démocratie fonctionnelle. "Il ne devrait pas y avoir d'ennemis que l'on a envie de ridiculiser, de salir ou de frapper. Il ne devrait y avoir que des adversaires avec lesquels on débat."
Selon le politologue, les récents événements sont le signe que "la société française a beaucoup de mal à trouver cette voie démocratique du débat", ce qu'il juge "inquiétant" à quelques jours des régionales et moins d'un an de la présidentielle.
Manque de corps intermédiaires
Plusieurs causes peuvent être avancées. Pascal Perrineau estime que "les réseaux sociaux alimentent beaucoup cet énervement général de la société". Capables du meilleur comme du pire, ils ne "participent pas à la structuration d'un débat démocratique".
Une cause plus profonde est, d'après lui, "un déficit impressionnant de corps intermédiaires. Un vrai débat ne peut avoir lieu "sans véritable partis, implantés dans la société, sans des médias reconnus, vérifiant leurs informations, solides, sans intellectuels qui ne font pas de la démagogie". Ces manques sont "au fond cela que la société française cherche confusément".
Et pour l'instant, "faute de corps intermédiaires, on a en haut de la pyramide, un président qui est censé être tout puissant alors qu'il ne l'est pas. Et en bas, des citoyens en colère, isolés les uns des autres". Ainsi analyse le politologue "il y a toutes les conditions pour que le débat devienne quelque peu hystérique".