Les sympathisants du FN avaient rendez-vous lundi à Villepinte pour écouter Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan. Sans se formaliser outre mesure de la concession accordée sur la monnaie unique.
Le mieux, pour éviter un sujet qui fâche, c’est de ne pas en parler du tout. C’est ce qu’a fait Marine Le Pen lundi pour son dernier grand meeting de l’entre-deux-tours de la présidentielle, à Villepinte, en Seine-Saint-Denis. A la tribune, devant près de 7.000 personnes, moitié moins qu’espéré par le Front national, la candidate du FN a brocardé Emmanuel Macron mais n’a pas dit un mot sur la sortie de l’euro. Car depuis l’accord passé vendredi avec Nicolas Dupont-Aignan, il y a un certain flottement sur le sujet. Marion Maréchal Le Pen a ainsi parlé d’un délai de plusieurs années pour le passage d’une monnaie unique à une monnaie commune, avant d’être tour à tour corrigée par Florian Philippot puis par Marine Le Pen elle-même.
Compliqué donc, mais pas de quoi empêcher de dormir les militants venus assister au discours de leur championne, et de son potentiel futur Premier ministre. "On s’en fout de la sortie de l’euro", lance même Louise, rencontrée à la sortie du meeting. "C’est annexe. Ce qu’on veut, c’est retrouver la France", insiste cette sexagénaire venue de l’Essonne, pour qui seule la priorité nationale compte.
" Marine va tout nous expliquer dans les jours qui viennent "
Pas de quoi les empêcher de dormir donc, mais pas non plus de quoi les aider à y voir plus clair. Chez les sympathisants, comme chez les ténors, un certain embarras pointe quand la question de la sortie de l’euro est posée. "Non, ce n’est pas plus compliqué", assure Evelyne, une amie de Louise, venue elle aussi de l’Essonne. Et qui, après avoir tenté de parler d’autres sujets et épinglé Emmanuel Macron, concède tout de même n’avoir pas tout compris. "Je n’ai pas pu m’intéresser au sujet ces derniers jours, parce que je fais campagne sur le terrain", élude-t-elle. "Mais Marine va tout nous expliquer dans les jours qui viennent", veut-elle croire. "Et de toute façon à la fin, c’est le peuple qui décidera".
"J'ai fixé 6 mois, mais après tout, si ça dure 8 mois ou 10 mois, c'est pas le sujet". Effectivement, Marine Le Pen a promis de soumettre la question de la sortie de l’Euro - en plus globalement de la sortie de l’Union européenne - au référendum. Avant l’accord avec Nicolas Dupont-Aignan, cette consultation devait avoir lieu six mois après son élection. Un calendrier qui ne pourra pas être tenu. "J'ai fixé 6 mois, mais après tout, si ça dure 8 mois ou 10 mois, c'est pas le sujet, l'important, c'est d'obtenir gain de cause pour que cette monnaie unique se transforme en monnaie commune", a assuré Marine Le Pen à Europe 1 avant son meeting.
Message reçu par Pierre. "Il ne faut pas de précipitation sur ces sujets. De toute façon, six mois, pour organiser un référendum, c’était trop court", admet le jeune homme. Qui sous-entend donc qu’au préalable, sa candidate annonçait un calendrier intenable. "Je pense que dans six mois, il y aura l’annonce du référendum, et que dans un an, les Français revoteront", se corrige cet adhérent du FN depuis 2006.
" Je ne veux pas prononcer le mot de concessions "
Mais le plus important, pour les militants, c’est que Nicolas Dupont-Aignan ait rallié Marine Le Pen. Et ne leur parlez pas de concession. "C’est normal qu’il y ait des discussions. Moi, je ne veux pas prononcer le mot de concession. Personne ne fait de concessions", explique encore Pierre. "Ce sont des modifications", abonde Sébastien, drapeau bleu blanc rouge à la main. L’homme n’oublie pas que la sortie de l’euro est de toute façon largement impopulaire "Ces modifications vont dans le bon sens, et tant mieux si ça permet à certains d’y voir plus clair", affirme encore ce sapeur-pompier volontaire, venu d’Epernay, dans la Marne, avec un bus, affrété par le FN, parti à 7h30 lundi matin.
"Chut, chut, chut, soyez un peu plus calme". L’objectif premier de ce meeting, c’était de "présenter" Nicolas Dupont-Aignan aux électeurs frontistes. Le président de Debout La France a donc eu l’honneur de parler avant Marine Le Pen. Le député-maire d’Yerres a eu droit à de belles acclamations, même s’il a semblé à plusieurs reprises dérangé par les réactions enthousiastes au cours de son discours. "Chut, chut, chut, soyez un peu plus calme", a même lancé le président de Debout La France, à la stupeur des spectateurs. "Il n’avait peut-être pas trop l’habitude des ambiances de nos meetings", sourit Evelyne, bienveillante.
" Il fallait bien ça pour rallier ses 4,7% de voix "
"Il n’arrêtait pas de faire des gestes avec les mains pour nous dire de nous taire", s’étonne, plus sévère, Benjamin, venus par ses propres moyens de Normandie. "On avait l’impression qu’il avait peur de perdre le fil de son discours. Au niveau du rendu, ce n’était pas forcément terrible", regrette le jeune homme de 29 ans. Sur le fond toutefois, ce récent converti au Front national, qui a voté pour François Fillon à la primaire de la droite, ne regrette pas le compromis sur la sortie de l’euro accepté par le FN. "Il fallait bien ça, si on veut être sûr de rallier les 4,7% de ses voix". Pour les militants, l’essentiel est bien là.