Pourquoi le déficit du commerce extérieur de la France ne cesse de s'accroître

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Nicolas Bouzou
Le commerce extérieur de la France affiche pour l'année 2021 un déficit de 84,7 milliards d'euros, selon le chiffre publié mardi par les douanes françaises. Un record absolu pour la balance commerciale. Si la France peut vivre avec ce déficit majeur, l'éditorialiste Nicolas Bouzou estime que la France possède les atouts pour rebondir.
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Le chiffre peut inquiéter : le commerce extérieur de la France affiche un déficit de 84,7 milliards d'euros en 2021, selon les douanes françaises. Il s'agit d'un record absolu pour la balance commerciale de l'Hexagone. Pour l'éditorialiste Nicolas Bouzou, le problème majeur de cette hausse est qu'elle révèle la désindustrialisation de la France. Le spécialiste économie d'Europe 1 avance également quelques propositions pour freiner ce phénomène.

Un révélateur de la désindustrialisation

La hausse du déficit est un problème qui s'aggrave. Elle ne s'explique pas uniquement par la facture énergétique, même si le prix des énergies fossiles a beaucoup augmenté cette année. Le déficit des produits manufacturés, le déficit industriel, est de 68 milliards d'euros. On voit que les exportations ne sont pas revenues à leur niveau d'avant crise, alors que les importations le sont. Toutefois, l'élément positif à noter est que la balance des services est excédentaires, notamment grâce au tourisme. Mais la France est loin de compenser son déficit de biens industriels.

Du point de vue économique, on peut vivre avec un déficit important comme le fait la France depuis 20 ans. Mais le problème de ce déficit, c'est qu'il exprime la désindustrialisation, le fait que nous ne produisons pas assez, que nous n'exportons pas assez par rapport à nos aspirations collectives en matière de consommation et en matière de niveau de vie.

La situation se dégrade aussi ailleurs, mais moins qu'en France

Il y a quand même des produits qui s'exportent très bien, comme le luxe, les avions, mais il y a globalement un problème de compétitivité sur les marchés internationaux. C'est pour cette raison que la France exporte insuffisamment. Quand on regarde les parts de marché industriel à l'export, elles sont à la fois faibles et en recul. En vingt ans, elles sont passées de 5,1%, ce qui n'était déjà pas énorme, à 2,8%.

Pour être précis, la situation se dégrade dans la plupart des pays développés, notamment en raison de la montée de la Chine. Mais quand on regarde les chiffres, elle se dégrade moins que chez nos principaux partenaires commerciaux. Qu'il s'agisse de l'Allemagne, qui est excédentaire, ou du Royaume-Uni, de l'Italie... Dans ces pays, la situation se dégrade moins qu'en France.

Ce n'est pas simplement le coût du travail et les salaires soi-disant trop élevés qui seraient en cause. D'après Eurostat, une heure de travail dans l'industrie française coûte 39 euros, contre 42 euros en Allemagne. Le pacte de responsabilité, le crédit impôt compétitivité emploi, qui a été converti en baisses de charges, ont rendu la France un peu plus compétitive en termes de coût, même s'il reste un écart avec l'Italie ou le Royaume-Uni. Il semble néanmoins difficile d'aller plus loin dans le domaine de la baisse du coût du travail.

Ce que doit faire la France pour redresser la barre

La France doit faire tout ce qui permet d'augmenter la qualité et l'originalité des produits fabriqués en France. Il faut mieux articuler la recherche publique et la recherche privée pour innover davantage, lever les freins qui font grandir les entreprises. Il faut également faciliter encore la fiscalité pour les investissements des usines dans le numérique, dans les robots, dans l'intelligence artificielle, et enfin faciliter radicalement les implantations industrielles sur notre sol.

En réalité, ce que veut dire le déficit, c'est qu'en bonne théorie, le réarmement industriel, la réindustrialisation, devrait être une priorité du prochain quinquennat.