Emmanuel Macron le répète à l’envi : il n’est ni de droite ni de gauche. Une position qui n’est pas inédite sous la 5ème République, mais qui semble pour la première fois porter ses fruits à l'abord d'une présidentielle. Sauf que l’ancien ministre de l’Economie a un problème : la plupart des récents ralliements, les plus spectaculaires en tout cas viennent bel et bien de la gauche. Cela met à mal sa stratégie et alimente l’argument de ses adversaires selon lequel il ne serait que le continuateur de la politique de François Hollande. Ce n’est donc pas un hasard si, depuis la banlieue de Bordeaux, jeudi soir, le candidat d’En Marche ! a lancé des fleurs à Alain Juppé.
- Ce qu’il a dit
"Je voulais ici saluer un grand responsable politique français, un maire respecté qui a transformé très profondément sa ville", a lancé Emmanuel Macron, faisant applaudir Alain Juppé, avant de saluer sa décision de ne pas se présenter à la présidentielle. "Quand on a sa carrière, quand on a eu son engagement, reconnaître le besoin qu'a ce pays à la fois de renouvellement et en même temps d'extrême probité, ce n'était pas facile et il l'a fait. Il y a très peu de gens qui sont capables de faire ça", a-t-il salué.
Et tant pis si Alain Juppé a annoncé vendredi qu'il parrainerait François Fillon. "Je n'ai pas le sentiment que (ces propos) étaient ceux d'un parrainage enthousiaste et de conscience. Sans doute (est ce) un parrainage légitimiste et de parti", a réagi l'ancien ministre de l'Economie en marge d'une visite à un concours des métiers au parc des Expositions de Bordeaux. Et de lancer un nouvel appel, plus claire celui-là : "Entendons-nous bien: les Françaises et les Françaises qui croient en l'Europe, qui croient dans l'innovation et le progrès social, dans l'égalité des chances et le projet éducatif, je pense qu'ils ne peuvent pas se retrouver dans le projet de François Fillon", a-t-il lâché.
- Des soutiens rares à droite
Ces éloges, pour sincères qu’elles peuvent être, n’en sont pas moins intéressés. Car Emmanuel Macron espère bien capter un électorat de centre droit échaudé tant par la campagne très droitière de François Fillon que par les affaires qui touchent le candidat de la droite. Le souci, c’est qu’aucune locomotive n’est là pour tirer ce wagon d’électeurs potentiels.
Sans leur faire injure, ce ne sont pas Renaud Dutreil et Serge Lepeltier, ancien ministres sous Jacques Chirac, pas plus que Dominique Tibéri, conseiller de Paris, ou Aurore Bergé, seule ex-soutien un tant soit peu identifiée d’Alain Juppé, qui sont capables de rameuter les troupes derrière Emmanuel Macron. Il faudrait des prises de guerre autrement plus importantes pour qu’une partie de l’électorat de droite soit tentée. François Bayrou, honni par une bonne partie de la droite depuis sa décision de voter pour François Hollande en 2012, ne sera pas celle-là.
A l’inverse, les ralliements venus de la gauche sont, sinon très influents, au moins très identifiés par le grand public. C’est surtout le cas de Bertrand Delanoë, mais aussi de Robert Hue, ancien secrétaire national du Parti communiste et candidat à l’élection présidentielle. Citons aussi Bernard Kouchner, l’écologiste François de Rugy, et bon nombre de parlementaires socialistes, dont Richard Ferrand, Christophe Castaner, Christophe Caresche ou Gérard Collomb.
- De quoi alimenter les critiques
Ce déséquilibre, c’est du pain bénit pour ses adversaires, et notamment pour François Fillon, dont l’angle d’attaque est tout trouvé. "Il y a l’option du socialisme masqué que nous propose Emmanuel Macron. De moins en moins masqué puisque beaucoup de ses anciens camarades le rejoignent", a-t-il lancé en meeting jeudi soir à Besançon. "Ce projet aurait pu être écrit par François Hollande. Il n’y a là rien de surprenant puisque Macron a largement écrit celui de Hollande", a insisté le candidat de la droite. Un refrain entonné sur tous les tons par les partisans de l’ex-Premier ministre. Et que le candidat d’En Marche ! a du mal à faire stopper.
- Il ne veut pas de wagon venu de la gauche
Du coup, dans le camp d’Emmanuel Macron, on n’a pas franchement envie que l’hémorragie du parti socialiste dans sa direction soit trop massive. Si l’ancien ministre de l’Economie tente bien d’attirer dans ses filets Jean-Yves Le Drian, son ex-collègue de la Défense, il ne veut pas forcément que d’autres ministres le rejoignent. Il a d’ailleurs prévenu que ni Ségolène Royal, ni Marisol Touraine ne feront partie de son gouvernement - s’il l’emporte.
Et jeudi soir, sur France 3, c’est Corinne Lepage, soutien d’Emmanuel Macron, qui a prévenu les députés socialistes tentés par l’aventure Macron. "Cela ne veut pas dire qu'on modifie son programme pour autant, ça ne veut pas dire qu'il va modifier son équipe de campagne. Et comme nous le rappelons régulièrement, ralliement ne veut pas dire investiture." Le message est clair.