Marine Le Pen fait campagne tranquillement. Quand elle prend le TGV pour se rendre en meeting, elle ne se plonge pas dans ses fiches ni ne réécrit son discours. Non, elle sort sa tablette numérique, et télécharge sur Netflix une série américaine, casque vissé sur les oreilles. Cette image montre une Marine Le Pen qui déroule sa campagne avec l’assurance de celle qui a déjà gagné.
Au centre du jeu. Elle a gagné la bataille des idées : l’exemple le plus spectaculaire, c’est le durcissement de la politique d’immigration, on le voit, avec le programme de François Fillon qui s’en rapproche. Mais aussi avec celui de Jean-Luc Mélenchon, à gauche, qui fustige "le travailleur détaché qui vole son pain au travailleur qui se trouve sur place", ou défend l’idée qu’il serait préférable que les immigrés restent chez eux. Autre exemple : la tolérance zéro en matière de délinquance, décliné par la plupart des candidats... Jusqu’à Emmanuel Macron. Elle a gagné Marine Le Pen parce que ses idées se sont imposées et parce qu’elle est au centre du jeu. La candidate à abattre, au point que la présidentielle est devenue un référendum pour ou contre Marine Le Pen.
Trois digues à enfoncer. Malgré les signaux verts, la candidate du Front national peut-elle l’emporter en cas de second tour ? Si on applique les règles empiriques des élections passées, il lui reste encore trois digues à enfoncer. La première, c’est le vote des personnes âgées. Un électorat nombreux, qui vote beaucoup, chez lequel elle reste à un niveau très faible. Deuxième digue : l’élargissement de son socle de premier tour, les réserves de voix. Passer de 8 millions de voix pour se qualifier au premier tour à plus 16 millions au second pour l’emporter, c’est une marche considérable que le FN n’a jamais franchie. La seule élection emportée par le FN au scrutin majoritaire uninominal hors triangulaire remonte à 1988 avec Yann Piat députée du Var.
Troisième digue, peut-être la plus fragile : le tout sauf le Pen qui se coagule au second tour. Trois digues à faire sauter dans les quinze jours de l’entre-deux tours ça semble très compliqué de percer ce plafond des 50%. Compliqué, mais pas impossible. Surtout dans une campagne où toutes les lois électorales des scrutins passés tombent les unes après les autres.