A chaque élection présidentielle, le casse-tête est le même pour les chaînes ou pour les radios : comment respecter les règles de temps de parole édictées par la loi, sous la surveillance pointilleuse du CSA ? Pour 2017, l’équation pourrait être moins compliquée. Les députés ont en effet approuvé jeudi en seconde lecture deux propositions de loi PS portant sur la modernisation des règles électorales, dont l’une vise à assouplir les contraintes en la matière. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne fait pas l’unanimité.
Que dit la proposition de loi ? Actuellement, pendant les cinq semaines précédant une élection, soit de la publication de la liste des candidats au scrutin proprement dit, les télés et les radios sont tenus d’accorder exactement le même temps de parole à tous les candidats, même les moins connus. Si la nouvelle loi est appliquée, cette période serait réduite à deux semaines avant le premier tour. Pendant les trois semaines précédentes, c’est le principe d’équité qui s’appliquerait. Un principe régi par des critères définis par le CSA, notamment la représentativité de chaque candidat, en fonction des sondages et des résultats aux précédentes élections, et leur contribution au débat politique.
C’est Jean-Jacques Urovas, le ministre de la Justice, qui avait rédigé cette proposition de loi avant son entrée au gouvernement. Il avait expliqué lors de la présentation du texte que le nombre important de candidats rendait difficile l'application d'une stricte égalité et dissuadait certaines chaînes d'organiser des débats. Selon lui, le volume consacré pendant cette période à la campagne par TF1, France 2, France 3, Canal + et M6 avait "diminué de 50% en 2012 par rapport à 2007". Par ailleurs, Elisabeth Pochon, rapporteuse du texte, explique dans Les Echos que "certaines chaînes accordent 10 minutes d'antenne à une heure de grande écoute à un candidat connu, tandis que les autres bénéficient du même temps, mais à un horaire à très faible audience". Selon la députée PS de Seine-Saint Denis, "il est plus utile pour un candidat peu connu de passer quatre minutes dans un grand journal que 20 minutes au milieu de la nuit."
"Des propositions de lois scélérates" ? C’est peu de dire que ces arguments n’ont pas convaincu tout le monde, en premier lieu les représentants des formations politiques les plus modestes. Le député UDI Arnaud Richard, qui a porté l’opposition au texte dans l’hémicycle, évoque ainsi sur Facebook des "propositions de lois scélérates". "La période intermédiaire et la campagne officielle sont les seules semaines au cours desquelles une stricte égalité des temps de parole est garantie. Réduire encore cette période est une modification inacceptable et dangereuse pour notre démocratie, particulièrement dans une période de tripartition de la vie politique", écrit encore l’élu des Yvelines. Son patron, Jean-Christophe Lagarde, a de son côté dénoncé les critères "totalement subjectifs" présidant au principe d’équité.
"L’équité est un terme flou", a également pesté Nicolas Dupont-Aignan (DLF), candidat déclaré à la présidentielle, et qui voit dans ces nouvelles règles un dispositif "pernicieux" visant à "étouffer tout courant intermédiaire" en garantissant la représentation des seuls grands partis. Le député de l’Essonne a également fait part de son ire son Twitter pendant la discussion.
Par 20 voix contre 7 l'article 4 supprimant l'égalité du temps de parole pour la présidentielle a été adopté. Une honte pour la République
— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) 24 mars 2016
Une loi encore loin d’être appliquée. Le texte doit en principe être adopté définitivement par les députés le 5 avril, après une dernière navette avec le Sénat, en désaccord avec l'Assemblée. Mais une petite incertitude demeure, car le texte principal est une proposition de loi "organique" (dédiée à l'organisation des pouvoirs publics), qui devra recueillir pour être définitivement adoptée la majorité absolue des membres de l'Assemblée, soit 289 voix. Or le groupe socialiste ne représente seul que 285 voix, en supposant que l'intégralité de ses membres votent ce jour-là.
L'UDI, les radicaux de gauche, le Front de gauche et la majorité des écologistes sont contre ce texte. Et comme de bien entendu, le PS ne pourra pas compter sur le soutien des Républicains, pourtant potentiellement avantagés par la proposition de loi. Le principal parti d’opposition à l’Assemblée préfère le "statu quo" pour "éviter les procès en sorcellerie", selon son orateur Philippe Gosselin.
Qui des parrainages ?
L’autre proposition de loi adoptée jeudi à l’Assemblée concerne les parrainages. Le nombre nécessaire à la validation d’une candidature, 500, reste inchangé. En revanche, ce sont les parrains qui devront envoyer leur paraphe au Conseil Constitutionnel et non plus les candidats qui devront les apporter. L’objectif est d’éviter que des élus locaux ne soient harcelés par des candidats en quête de signature.
Par ailleurs, la règle changerait en matière de publication des parrains des candidats. Actuellement, le Conseil Constitutionnel ne publie qu’un extrait des parrainages à l’issue de leur dépôt. Si la proposition de loi est adoptée, les Sages publieront en temps réel, deux fois par semaine, les signatures qui lui seront parvenues, afin de mettre fin au faux suspense dans la quête des 500 parrainages.