Il a désormais un nom, un visage, un parti. Plusieurs mêmes. "Climax" du meeting, la sentence de Benoît Hamon sur l'argent a survolté l'enceinte pleine à ras bord de Bercy dimanche. "Le parti de l’argent a trop de candidats dans cette élection, a lancé solennellement le candidat socialiste. Ce parti de l’argent a plusieurs noms, plusieurs visages, il a même plusieurs partis."
Benoît Hamon : « Le parti de l’argent a trop de...par publicsenat
Un tacle adressé à ses adversaires Emmanuel Macron, taxé d'être "au service des gagnants", et à François Fillon et Marine Le Pen, tous deux empêtrés dans les affaires. Une allusion, aussi, à la tirade du Bourget de son prédécesseur François Hollande, candidat contre une finance insaisissable et omniprésente il y a cinq ans. De quoi relancer sa campagne ?
Oui, pour s'inscrire dans les valeurs de la gauche. Des radicaux, et l'abjection des "deux cents familles" dans les années 1930, à François Hollande, concédant en 2007 ne pas aimer "les riches", critiquer l'argent "fait partie de la tradition de la gauche française", rappelle Gérard Grunberg, politologue et directeur de recherche émérite au CNRS. Un ADN illustré par le discours de François Mitterrand au Congrès d'Epinay en 1971, qui signe l'union des gauches victorieuses en 1981. "Il faut réécouter sa tirade sur l'argent qui 'pourrit jusqu'à la conscience des hommes (au Congrès d'Epinay en 1971, NDLR) pour comprendre l'impact de ce thème" dans la conquête du pouvoir chez les socialistes, indique Gérard Grunberg.
Car le thème reste payant électoralement. "Le discours du Bourget de Hollande a eu un impact incontestable", note Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. Une semaine après son meeting fondateur, les intentions de vote du candidat Hollande passaient de 27 à 30,5%. La progression la plus forte enregistrée durant cette campagne par l'Ifop. Un coup de boost qui serait précieux pour un Benoît Hamon à la traîne dans les sondages.
Oui, pour recréer du clivage. Au-delà d'une simple tradition, s'en prendre à l'argent dans la campagne est aussi un moyen de recréer des lignes de fractures - et donc de différenciation - avec les autres candidats. "Le rapport entre la droite et la gauche est chamboulé. Il y a des domaines où l'opposition n'existe plus", jugeait ainsi l'historien Pierre Rosanvallon, invité dimanche du Grand Rendez-Vous, sur Europe 1. "Or, l'absence de clivages profite à Emmanuel Macron et à Marine Le Pen", tranche Frédéric Dabi. Face à la perte de repères traditionnels, l'irruption de ce thème est un "moyen d'en recréer" pour tenter de "rassembler les électeurs de Mélenchon ou ceux d'Hollande tentés par l'aventure Macron".
Non, le logiciel risque d'être périmé. Pour le politologue Gérard Grunberg, "l'émergence de la candidature de Macron montre qu'une partie de la population a tourné le dos à ce discours disqualifiant, qui voudrait que l'argent soit, par essence, sale et contre l'intérêt général". Face à cette nouvelle donne, la tirade de Benoît Hamon s'interpréterait ailleurs que dans le cadre de la présidentielle juge le directeur de recherche. "Malgré les appels au rassemblement de Cazeneuve ou de Valls, Hamon a définitivement abandonné l'idée se repositionner au centre-gauche. Il joue l'après-présidentielle et la recomposition de sa famille politique."