Bien malin celui qui peut prédire l’affiche du second tour de la présidentielle. A cinq jours du premier tour, dimanche, l’incertitude est en effet totale. Quatre candidats se tiennent dans un mouchoir dans les sondages d’intentions de vote. Emmanuel Macron, Marine Le Pen, François Fillon et Jean-Luc Mélenchon peuvent en effet tous rêver d’une qualification. Quatre candidats, donc, et par conséquences six duels potentiels. Certains sont annoncés plus serrés que d’autres. Mais tous apportent aussi leur lot d’incertitudes.
"Les prédictions sont très difficiles car les électeurs n’ont pas toutes les cartes en main, il leur manque des données fondamentales", prévient d’emblée Frédéric Dabi, directeur adjoint de l’Ifop. "Et compte tenu du resserrement, du match à quatre inédit dans l’histoire de la 5ème République, il risque d’y avoir une frustration électorale très importante pour beaucoup de Français. Difficile donc de prévoir quelle sera l’attitude des électeurs déçus", insiste le sondeur, qui accepte tout de même de livrer, avec prudence, les clés pour les différentes configurations du second tour.
- Emmanuel Macron contre Marine Le Pen
C’est le duel annoncé depuis de longues semaines. Et naturellement celui qui a été le plus "testé" par les instituts de sondages. Avec à chaque fois le même résultat : une large victoire du candidat d’En Marche ! Très rarement l’écart est tombé sous les 20 points. Sa position au centre permet en effet à Emmanuel Macron de capter les électeurs de droite modérée, mais aussi d’être le réceptacle acceptable pour les voix des électeurs de gauche soucieux de barrer la route à la présidente du FN.
L’avis de Frédéric Dabi : "Il faudra surveiller particulièrement les électeurs de François Fillon, frustrés après la défaite à une présidentielle qu’on a longtemps présentée comme imperdable et qui pourrait être tentés de se tourner vers le FN. D’autant qu’il y a eu une radicalisation en fin de campagne, et qu’Emmanuel Macron a été présenté comme l’ennemi à battre. Mais une partie de la droite qui adopte le réflexe du Front républicain, ça existe. Avec les voix de gauche, logiquement, Emmanuel Macron sera le favori."
- François Fillon contre Marine Le Pen
François Fillon contre Marine Le Pen, cette affiche semblait la plus probable fin novembre 2016, après la victoire de l’ancien Premier ministre à la primaire de la droite. Depuis, le "PenelopeGate" est passé par là, et les affaires ont laissé des traces. Et l’écart avec Marine Le Pen au second tour, colossal avant les premières révélations du Canard Enchaîné fin janvier, s’est considérablement réduit, même si le candidat de la droite est toujours donné gagnant.
Par ailleurs, nombre d’électeurs de gauche, qui s’étaient déplacés en masse pour voter pour Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen après le coup de tonnerre du 21 avril 2002, pourraient cette fois être plus qu’hésitants. D’abord parce que voter à droite une deuxième fois dans leur vie d’électeurs pourrait être au-dessus de leurs forces, ensuite parce que François Fillon a précisément mené une campagne très à droite, et promet au pays un programme, notamment économique, très radical.
L’avis de Frédéric Dabi : "La clé, ce sera la capacité des électeurs de gauche de se mobiliser dans le cadre d’un 21 avril bis. Sachant que pour eux, Fillon-Le Pen, c’est pire que Chirac-le Pen, d’abord parce qu’ils pensaient ne plus jamais connaître une telle configuration, ensuite après la campagne très à droite de François Fillon, avec notamment la présence de Sens commun."
- Jean-Luc Mélenchon contre François Fillon
Dans cette configuration, tous les instituts de sondage donnent la victoire de Jean-Luc Mélenchon, avec une avance confortable. Mais prudence. D’abord parce qu’il y a une campagne d’entre-deux-tours, pendant laquelle François Fillon pourrait élargir son socle électoral. Ensuite parce que la personnalité du candidat de La France insoumise peut cliver et inquiéter. Certains électeurs de gauche modérée pourrait ainsi être tentés, sinon de voter pour l’adversaire de droite, de s’abstenir. Et ça, ça pourrait tout changer.
L’avis de Frédéric Dabi : "On risque d’avoir un FN coupé en deux, avec des électeurs, europhobes, souverainistes, qui se tourneront vers Jean-Luc Mélenchon, et d’autres, ceux de la droite plus traditionnelle, qui se tourneront vers François Fillon. Mais on risque surtout d’avoir un record d’abstention.
- François Fillon contre Emmanuel Macron
C’est la pire des configurations pour François Fillon. Avec sa position centriste, Emmanuel Macron est capable de capter les voix des électeurs de gauche, mais aussi ceux de centre droit qui auraient été échaudés par la campagne très à droite de l’ancien Premier ministre. Qui ne disposerait lui que de la réserve de voix, incertaine, du Front national. Résultat : un écart pour l’heure impressionnant entre les deux potentiels finalistes.
L’avis de Frédéric Dabi : "Ce serait finalement le duel le plus classique au regard de la 5ème République, entre la gauche et la droite. Ce seront sans doute les électeurs du FN qui auront la clé, par rapport à leur capacité à se mobiliser pour François Fillon, mais aussi ceux de Jean-Luc Mélenchon, quant à savoir s’ils pourront se tourner en masse vers Emmanuel Macron."
- Jean-Luc Mélenchon contre Marine Le Pen
C’est le duel des extrêmes. Comme à chaque fois, Marine Le Pen est donnée battue, assez largement. Moins radical que son adversaire, et tout aussi réservé quant à l’Union européenne, le candidat de La France insoumise partirait selon les sondages favori dans cette configuration.
L’avis de Frédéric Dabi : "Ce serait une rupture dans la 5ème République, avec l’élimination de tous les partis dits de gouvernement. L’issue serait très incertaine. Car il est très difficile de prédire l’attitude des électeurs de droite qui auraient formé sans hésiter, avec un autre candidat de gauche, un Front Républicain."
- Jean-Luc Mélenchon contre Emmanuel Macron
A choisir, Jean-Luc Mélenchon ne pencherait sans doute pas pour un affrontement contre Emmanuel Macron. Car il n’y a que contre le candidat d’En Marche ! que celui de La France insoumise est donné perdant pas les instituts de sondage. Et largement encore. Moins clivant, l’ancien ministre de l’Economie pourrait récupérer sur son nom la plus grande part des électeurs de François Fillon et une bonne partie de ceux de Benoît Hamon.
L’avis de Frédéric Dabi : "Un second tour sans la droite et l’extrême droite, franchement, ça relèverait presque de la science-fiction. Une chose est sûre, le record d’abstention, qui date du second tour de l’élection présidentielle de 1969 (31,15%), aurait de grandes chances d’être battu."