Quand, à la base, on ne s’aime pas beaucoup, s’affronter sur le terrain électoral, forcément, ça n’arrange rien. A l’occasion de la primaire de la droite, de vieilles rancoeurs et de sourdes hostilités entre certains des sept candidats ont inévitablement refait surface. Parfois jusqu’à la haine. Le débat de jeudi soir, le deuxième sur les trois prévus, pourrait être une nouvelle illustration de ces inimitiés, dont certaines sont notoires. Notamment en ce qui concerne Nicolas Sarkozy, honni par - et qui honnit - nombre de ses rivaux. Alors, pourquoi tant de haine ?
- Sarkozy, expert es hostilités
L’homme est clivant, ce n’est pas une nouveauté. Il n’est donc pas étonnant de voir Nicolas Sarkozy nourrir une aversion certaine pour certains - la plupart en fait - de ses concurrents, qui le lui rendent bien.
Copé-Sarkozy : ça vient de loin
C’est l’inimitié qui a le plus sauté aux yeux lors du premier débat de la primaire de la droite, le 17 octobre dernier. Jean-François Copé n’a eu de cesse de s’en prendre à Nicolas Sarkozy, qui a fini par lui répondre vertement. C’est qu’entre les deux hommes, l’aversion est ancienne. Elle date de 1995, quand l’un, le député-maire de Meaux, a soutenu Jacques Chirac, alors que l’autre, l’ancien président, s’était rallié à Balladur pour la présidentielle. Depuis, et malgré quelques rapprochements stratégiques, les deux hommes n’ont cessé de se chercher des poux. Durant son quinquennat, Nicolas Sarkozy ne proposera d’ailleurs jamais à Jean-François Copé d’être ministre.
Mais c’est surtout depuis 2012 que la détestation n’a cessé de grandir. Avec en paroxysme l’affaire Bygmalion. Nicolas Sarkozy avait laissé entendre en septembre 2015 devant les juges, selon Le Monde, que c’est Jean-François Copé qui était responsable de l’explosion de ses frais de campagne et de la double facturation via la société tenue par des proches du maire de Meaux. Celui-ci, finalement mis hors de cause par la justice, n’a jamais digéré. Et c’est en grande partie pour faire perdre son adversaire qu’il s’est engagé dans la primaire, puisqu’il n’a, selon les sondages, aucune chance de l’emporter.
Fillon-Sarkozy : le "collaborateur" se rebiffe
Ils ont beau avoir incarné le couple exécutif pendant cinq ans, l’ancien président Nicolas Sarkozy et l’ancien Premier ministre François Fillon, aux affaires entre 2007 et 2012, se vouent aujourd’hui une haine féroce. Pour le second, ce sentiment a été alimenté par ses cinq années passées dans l’ombre du premier, avec petites vexations et humiliations à la clé. Personne n’a oublié, surtout pas le député de Paris, que Nicolas Sarkozy l’avait traité de "collaborateur" en août 2007. Les deux hommes se sont ensuite opposés sur plusieurs sujets, comme les retraites ou les 35 heures, avec forcément un arbitrage favorable à Nicolas Sarkozy. Et la rancœur de François Fillon a grandi.
La rupture est consommée pendant la guerre Copé-Fillon de l’automne 2012. En coulisses, Nicolas Sarkozy soutient Jean-François Copé qui, pense-t-il, lui ferait moins d’ombre en cas de retour en politique. C’en est trop pour François Fillon qui ne pense plus qu’à faire chuter l’ancien chef de l’Etat. En comptant notamment sur la justice, comme le montre l’affaire du déjeuner -démenti avec force - avec Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l’Elysée. Selon Le Monde, il aurait réclamé que soit accélérées les procédures judiciaires à l’encontre de Nicolas Sarkozy. Vrai ou pas, ce dernier en tient forcément rigueur à son ancien "collaborateur".
Juppé-Sarkozy : deux favoris pour une place
Entre les deux favoris de la primaire, l’incompréhension est quasiment instinctive. Tout, en effet oppose Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, qui se côtoient dans la même famille politique depuis 40 ans tout juste. L’un est bouillonnant, l’autre est mesuré. L’un est radical, l’autre est modéré. Plusieurs fois, pourtant, ils sont parvenus à travailler ensemble. Mais une méfiance, certes souvent teintée de respect, a toujours présidé à leurs relations. Depuis qu’ils s’affrontent - avec l’objectif très réaliste d’être le prochain président de la République - c’est la guerre froide.
L’ancien président raille souvent - ou fait railler par ses troupes - l’âge de l’ancien Premier ministre, autant que sa modération, sur "l’identité heureuse" par exemple. Alain Juppé, lui, a résumé fin septembre sur France 3 ce qu’il pense de son adversaire. "Chez Sarkozy c'est facile, on voit tout de suite ce qu'on aime et ce qu'on n'aime pas. Ce qu'on aime, c'est cette énergie, cette façon de capter l'attention (…) Je suis assez sensible à cette… ce n'est pas du charme… à cette puissance. Puis par ailleurs, il y a de l'autre côté l'excès, la superficialité, l'emballement, parfois un peu le simplisme sur certaines idées, bien sûr."
Sarkozy face aux jeunes loups
Les relations avec les autres candidats à la primaire sont moins tumultueuses, mais demeurent tout de même tendues. Avec Bruno Le Maire, l’affrontement remonte à l’époque où le candidat était dans le staff de Dominique de Villepin, un temps meilleur ennemi de Nicolas Sarkozy. L’ancien ministre de l’Agriculture (sous… Nicolas Sarkozy), avait évoqué dans un livre en 2007 un dîner à l’Elysée dans lequel il avait été pris à partie par son désormais rival. "Je vais te faire la peau", lui avait-il lancé. Puis, à son épouse : "Vous êtes charmante ? Comment avez-vous pu épouser un connard pareil ?". Une anecdote qu’il a resservie au Point début octobre. Preuve qu’il n’a pas oublié.
Enfin, Nathalie Kosciusko-Morizet, qui s’est longtemps placée dans le sillage de Nicolas Sarkozy, dont elle fut la porte-parole lors de la campagne présidentielle de 2012, s’est peu à peu émancipée, notamment en raison d’une ligne trop droitière à son goût. Après avoir, pendant plusieurs mois, critiqué plusieurs des prises de positions du président de l’UMP, puis des Républicains, un certain Nicolas Sarkozy, elle est évincée en décembre 2015. Commentaire : "Croire que le parti se renforce en s’épurant, c’est une vieille idée stalinienne". Près d’un an plus tard, aucune réconciliation à signaler.
- Les autres duels
Copé-Fillon : les cicatrices de 2012
La brouille est trop récente, et a été trop violente, pour que Jean-François Copé et François Fillon ne gardent pas une rancune tenace de la guerre des chefs de l’automne 2012. Les deux hommes briguaient à l’époque la présidence de l’UMP, avec, déjà, en tête, la présidentielle de 2017. Ils avaient tous deux revendiqué la victoire dans une ambiance délétère au cours d’une soirée rocambolesque de novembre 2012. Le député-maire de Meaux s’était finalement installé à la tête du parti, mais François Fillon avait fait sécession à l’Assemblée, en créant le 27 novembre 2012, un groupe parlementaire à part, baptisé le R-UMP, finalement dissout en janvier 2013. Quelques mois plus tard, le 27 mai 2014, l’ancien Premier ministre obtenait la tête de Jean-François Copé à l’issue d’un bureau politique dont le principal intéressé garde un souvenir cuisant.
Pourtant, Jean-François Copé, tout occupé à charger Nicolas Sarkozy pendant le premier débat de la primaire, a semblé vouloir enterrer la hache de guerre en affirmant que la brouille était "totalement derrière nous", et devait "servir de leçon". Mais la main tendue a été refusée par François Fillon, qui s’était contenté de commenter que ce qu’il avait retenu de cette guerre des chefs, c’est que "la démocratie doit être exemplaire". Une réponse qui a froissé le maire de Meaux. "Vous avez vu comme j'ai été élégant ? Vous avez vu comme j'ai dit que je voulais tourner cette page, comme le temps avait passé ? Vous avez trouvé qu'il avait dit la même chose, François (Fillon) ? On l'a tous regretté, croyez moi", s’est agacé Jean-François Copé le 16 octobre sur LCI.
NKM-Le Maire : duel de jeunes loups
C’est une animosité moins notoire. Mais entre Nathalie Kosciusko-Morizet et Bruno Le Maire, rien n’est simple. Et paradoxalement, le souci, c’est que les deux anciens ministres sont trop proches pour s’apprécier. Tous deux quadragénaires, ils souhaitent incarner la relève et le renouveau en politique. Clairement, il y a une personne de trop sur la ligne moderniste. D’où certaines amabilités. Une semaine après les attentats du Bataclan, en novembre 2015, NKM s’en est ainsi pris à son rival. "Bruno Le Maire a passé sa semaine dans les médias, moins de douze heures, je crois, après les attentats. A faire des propositions un peu... Parler, parler, parler... Je ne suis pas sûre qu'il soit le mieux placé pour donner des leçons de dignité", lance-t-elle sur Beur FM.
Pourtant, L’ancien ministre avait plaidé en avril 2016 pour la présence de la députée de l’Essonne à la primaire pour que les femmes soient représentées. "Ça se présente sous un jour sympathique mais je pense que son père, son grand-père et son arrière-grand-père disaient la même chose", rétorque-t-elle sur France 2. "C'est l'argument qu'on utilise toujours à l'égard des femmes en politique: ‘ce serait tellement formidable... Oh, ça c'est ballot, le système est fermé, vraiment c'est dommage’. Ça fait quinze ans que je fais de la politique et quinze ans que j’entends ça, et ça n'est d'aucun effet".
Bruno Le Maire n’est pas en reste. Quand Nathalie Kosciusko-Morizet saisit la Haute Autorité après les propos de Jean-Frédéric Poisson sur les lobbies sionistes, il dit tout le bien qu’il pense de cette décision. "Ce qui est planqué et ce qui est faux-cul c'est d'aller saisir la Haute Autorité, d'en faire tout un ramdam... qu'est-ce qui va déboucher derrière ? Rien", balaye-t-il sur France Info.