Une élection sans sondages, voilà bien une incongruité dans notre beau pays de France. C’est pourtant ce qui est en train de se passer avec la primaire de PS et de ses alliés. Depuis que le casting définitif est connu, que les sept candidats sont identifiés, depuis, donc, le 17 décembre, pas une étude d’opinion n’est venue dessiner une tendance, alors que le premier tour, programmé le 22 janvier, approche à grands pas. Etonnant, dans un paysage médiatique si friand de sondages ? Pas tellement. Le timing serré, un casting tardif et une certaine prudence, des médias comme des instituts, sont autant de raisons qui expliquent le phénomène.
Un calendrier qui n’arrange rien
Longtemps, le casting de la primaire de la Belle Alliance populaire a été incertain. François Hollande a pris son temps pour renoncer et Vincent Peillon a été encore plus long à se décider. Et il a fallu attendre le 17 décembre que la haute autorité valide définitivement les candidatures, au nombre de sept. Les vacances de Noël, et sa traditionnelle trêve des confiseurs, sont arrivées très vite ensuite. "Faire un sondage pendant les fêtes n’aurait pas été sérieux ", avance Frédéric Dabi, directeur du pôle Opinion de l’Ifop.
"On ne connaissait pas le casting, on ne savait pas si François Hollande allait participer, ce qui n’est pas la même chose que de savoir, pour la droite, si Henri Guaino ou Nadine Morano allaient en être", confirme Emmanuel Rivière, de Kantar-TNS Sofres. "Donc faire des sondages avant le 5 décembre n’avait pas beaucoup de sens. Ensuite, il fallait attendre que Manuel Valls se décide, et puis il faut du temps pour que les choses se décantent dans l’esprit de ceux que l’on interroge. C’est pour cela qu’on a décidé d’attendre après les fêtes."
Et le calendrier reste très serré. Les débats, qui peuvent changer la donne très rapidement - comme l’a montré François Fillon lors de la primaire de la droite - sont déjà très proches, et ils se tiendront dans un temps très court, puisque programmés les 12, 15 et 19 janvier. Inutile dans ce contexte, de publier trop de sondages qui risquent d’être obsolètes quelques jours plus tard.
Un corps électoral confus
Les sondages sont aussi difficiles à réaliser dans le contexte d’une primaire du PS qui ne séduit pas les foules. "La mise en œuvre est complexe", explique Frédéric Dabi. "Dans la mesure où la part des Français certains d’aller voter s’annonce faible, la population utile n’est pas facile à trouver. Pour avoir 700 personnes certaines de se déplacer et représentatives, il faut interroger environ 14.000 personnes. C’est possible, mais c’est plus compliqué", insiste le directeur de l’Ifop. D’autant qu’une telle enquête prend du temps, et de l’argent. "Pour un commanditaire, c’est long et c’est coûteux", confirme encore le sondeur. "Le critère économique est important aussi", en convient de son côté Emmanuel Rivière.
Une très grande prudence
Et puis les commanditaires, les médias le plus souvent, ont aussi tiré les leçons du passé. La victoire surprise de François Fillon à la primaire de la droite, qu’aucun institut n’avait vraiment vu venir, sinon dans les tout derniers jours de la campagne, a laissé des traces. "Il y a eu une séquence qui a terni la réputation des sondages et le confort qu’il y a à les publier", assure Emmanuel Rivière. "Ça a atténué la demande. Je constate une prudence. Qui est plutôt de bon aloi à mon avis."
Le Parisien-Aujourd’hui en France a d’ailleurs annoncé mardi qu’il renonçait, pendant plusieurs mois, à publier le moindre sondage dans ses colonnes. "C'est une pause qu'on s'offre", a annoncé Stéphane Albouy, directeur des rédactions du quotidien, sur France Inter. "Ce n'est pas une critique de la méthodologie des sondeurs mais de l'exploitation que font les médias des sondages. Je crois qu'il faut entendre le discours tenu de plus en plus selon lequel les médias sont associés à une forme d'élite, qu'ils sont coupés des réalités."
Bientôt des sondages, quand même
Mais que les fans d’intentions de vote se rassurent. Au final, il y aura bien des sondages, mais infiniment moins que pour la primaire de la droite. Plusieurs études devraient être publiées dans les prochains jours. "Bien sûr qu’il y en aura. Mais autant attendre le bon moment", explique Emmanuel Rivière. "Beaucoup s’offusquent du trop plein de sondage, et quand il y a un vide, tout le monde est surpris", s’amuse de son côté Frédéric Dabi, le directeur Opinion de l’Ifop, qui n’avance pas de date quant à un futur sondage.
Harris interactive a lui prévu de dégainer le premier jeudi soir, ce qui permettra, enfin, de dégager des favoris et d’identifier des outsiders et ceux qui n’ont aucune chance de l’emporter, même si pour ces derniers, on a déjà quelques certitudes. Cela permettra par exemple à Vincent Peillon d’apparaître enfin dans les études d’opinion. Car depuis sa déclaration de candidature, le 11 décembre, jamais le ministre de l’Education n’a encore été testé.