2017, remake de 2002 ? Quinze ans ont beau s’être écoulés, la séquence actuelle, avec son lot de policiers en colère, d’agressions d’enseignants et de personnels hospitaliers, et des prisons sous tension, remet, comme à l’époque, la sécurité au cœur des débats. Et à l’approche de la présidentielle, forcément, les souvenirs ressurgissent. "Les mots sont les mêmes : territoires perdus de la République, zones de non-droit, autorité de l’État bafouée, manque de moyens des policiers et justice défaillante", remarquait le 12 octobre Yves Thréard dans son édito politique sur Europe 1.
En 2002, ce thème ô combien sensible avait précipité la défaite de la gauche le 21 avril, soir du premier tour, marqué par l’élimination de Lionel Jospin et l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour. Un traumatisme dont le PS avait eu bien du mal à se relever. Et dont le spectre renaît.
" Bilan contre bilan, projet contre projet "
Alors la droite ne cache pas son intention de parler sécurité à l’envi. "Quand on parle aux vrais gens, la sécurité est dans le top 3 de leurs préoccupations", assure Bruno Beschizza, secrétaire national aux questions de sécurité chez Les Républicains, et par ailleurs maire d’Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Un sondage, paru en juillet 2016, confirme. Selon cette étude de l’Ifop, la lutte contre la délinquance apparaît en troisième position des préoccupations des Français, derrière la lutte contre le chômage et la question du terrorisme. "La sécurité fait partie des sujets sur lesquels les candidats devront dire les choses clairement", insiste l’ancien officier de police, soutien de Nicolas Sarkozy dans la primaire de la droite.
Du côté du Parti socialiste, on assure être prêt. "On n’a pas attendu ces dernières heures pour savoir que la sécurité serait un thème majeur de la campagne", affirme Sébastien Pietrasanta, secrétaire national PS aux questions de sécurité. "Sur ces questions, on a un bilan à défendre, à comparer avec le mandat précédent. Ce sera bilan contre bilan, projet contre projet. Nous n’aurons aucun souci à débattre avec la droite."
" Depuis 2002, au PS, c’est le jour et la nuit "
A l’entendre donc, la leçon de 2002, quand le Parti socialiste estimait que la sécurité n’était pas dans l’ADN de la gauche, a été retenue. Fini, l’inconfort idéologique. "La sécurité est un thème de gauche, un thème républicain d’ailleurs, qu’il n y a pas à cataloguer", poursuit le maire d’Asnières-sur-Seine. "Aujourd’hui, il n’y a aucun angélisme sur les questions de sécurité, d’ordre, d’autorité. Ces sujets ne font plus honte au Parti socialiste. Depuis 2002, c’est le jour et la nuit. Le Parti socialiste a bien évolué sur ce sujet, désormais, on est particulièrement à l’aise", jure Sébastien Pietrasanta.
Dont acte, répond Bruno Beschizza. Qui, évidemment, n’en reste pas là. "Aujourd’hui, la gauche est tellement capable d’en parler qu’on entend que des sons de cloche totalement différents", raille le maire d’Aulnay-sous-Bois. "Il y a eu d’abord la frilosité, ensuite, la stratégie c’était ‘je laisse parler Valls mais je fais du Taubira’, et aujourd’hui c’est la cacophonie", explique-t-il. On a un Benoît Hamon qui propose la légalisation du cannabis, ceux qui brandissent la Constitution comme les textes de Moïse, qu’on ne peut pas toucher, et le gouvernement qui reste particulièrement discret", martèle-t-il.
Marine Le Pen grande gagnante ? Les deux hommes sont toutefois d’accord pour affirmer que la situation n’est plus la même qu’en 2002. "Mêmes maux, même conséquence", prédit pourtant Yves Thréard. Car si la campagne présidentielle se concentrait essentiellement sur la sécurité, la grande gagnante pourrait être Marine Le Pen. La présidente du FN a déjà de grandes chances, selon tous les instituts de sondage, d’accéder au deuxième tour. Elle en aurait alors quasiment la certitude. Elle ferait ainsi aussi bien que son père. "Mais le score changera, elle fera beaucoup plus que les 18% de son père en finale", prévient l’éditorialiste.
>> Réécoutez l'analyse d'Yves Thréard à ce sujet :