Où sont les "frondeurs" ? Alors que l'examen du budget 2016 commence mardi à l'Assemblée nationale, on aurait pu penser que les députés contestataires du Parti socialiste allaient - comme l'an dernier - transformer cette discussion en nouvelle joute contre le gouvernement. Or, pas trace de déclaration de guerre ces dernières semaines. Les frondeurs ont déposé seulement sept amendements, selon Le Parisien, et leurs revendications ne sont pas d'une grande nouveauté. Ils demandent notamment une fiscalité plus progressive et un plus grand soutien à l'investissement des collectivités locales.
Ayrault en première ligne. En fait de frondeur, c'est un certain Jean-Marc Ayrault qui tient aujourd'hui tête à l'exécutif. L'ancien Premier ministre a déposé un amendement cosigné par près de 140 députés PS, qui entend rendre la CSG progressive et préparer la voie à un impôt unique sur le revenu. Embarrassant pour le gouvernement, alors que la grande réforme fiscale promise par François Hollande en 2012 n'a jamais vu le jour. D'ailleurs, le ministre des Finances Michel Sapin a fermé la porte à l'amendement Ayrault lundi, invoquant "des problèmes constitutionnels".
Eviter de diviser avant les régionales. Du reste, l'aile gauche du parti a mis ses critiques en sourdine. Même Benoît Hamon, l'un de ses visages les plus connus, se dit prêt à voter le budget sous certaines conditions. Les frondeurs, eux, restent en retrait. La raison de cette discrétion est d'abord électorale. "On prend en compte un contexte : un grand nombre de nos camarades de parti sont engagés dans une campagne difficile pour les régionales", explique à Europe 1 Laurent Baumel, l'un des chefs de file des frondeurs. Alors que le PS n'est pas parvenu à conclure des alliances avec les écologistes et la gauche radicale, ajouter de la division à la division ne serait pas du meilleur effet.
Une certaine résignation semble aussi gagner la fraction rebelle du PS. "Lorsque la fronde a commencé il y a un an et demi, on pouvait espérer infléchir la politique gouvernementale", poursuit le député d'Indre-et-Loire. "Notre combat n'a pas été inutile car elle serait peut-être pire sans nous aujourd'hui. Mais il est vrai que nous n'avons pas modifié les équilibres fondamentaux", reconnaît-il.
Finie "l'ambiance de guérilla". Chez les députés "loyalistes" aussi, on confirme l'apaisement. "On n'a pas l'ambiance de guérilla des années précédentes", estime le député socialiste Dominique Lefebvre, vice-président de la commission des finances. "Tout le monde a conscience qu'il y a des élections régionales", explique-t-il, soulignant aussi que le budget 2016 prévoit notamment une baisse de l'impôt sur le revenu pour huit millions de foyers. De quoi satisfaire les exigences de l'aile gauche, qui réclamait plus de pouvoir d'achat pour les ménages.
Macron recadré. Enfin, si les frondeurs trouvent moins d'écho, c'est sans doute parce que leur cible préférée, Emmanuel Macron, ne bénéficie plus d'un soutien inconditionnel de l'exécutif. François Hollande et Manuel Valls ont recadré le ministre de l'Economie après ses sorties sur les 35 heures et le statut des fonctionnaires à la fin de l'été. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, est lui aussi monté au créneau, allant jusqu'à qualifier Macron de "ministre d'ouverture". De quoi rassurer l'aile gauche du parti… et couper l'herbe sous le pied des frondeurs.
Vers un inventaire du quinquennat Hollande. Pour autant, "nous n'avons pas baissé le pavillon", assure Laurent Baumel. Les tentatives d'infléchir la ligne économique du gouvernement devraient rester lettre morte jusqu'à la fin du quinquennat. Mais les frondeurs comptent bien entamer dès 2016 "l'inventaire" du quinquennat de François Hollande. "Sa candidature n'est pas acquise de façon indiscutable", affirme Laurent Baumel, qui ne ferme pas la porte à une primaire à gauche pour 2017. Un vrai combat ou un baroud d'honneur ?