Quels sont les points sensibles du référendum en Nouvelle-Calédonie ?

Edouard Philippe Nouvelle Calédonie
Edouard Philippe a réuni les élus calédoniens à Matignon, jeudi. © JACQUES DEMARTHON / AFP
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Des élus calédoniens pro et anti-indépendance sont réunis jeudi à Matignon pour aborder deux éléments clefs : la question posée et la composition du corps électoral.

L'exécutif prend très au sérieux le référendum sur l'indépendance qui doit se dérouler à la fin de l'année prochaine en Nouvelle-Calédonie. "Il faut le scrutin soit sincère, transparent, surveillé", a prévenu le Premier ministre Edouard Philippe. Il faut que "les choses se passent dans les conditions les meilleures possibles, qu'on arrive à une organisation du référendum de 2018 qui fait consensus et qui reste dans un climat extrêmement apaisé", a abondé la ministre des Outre-mer, Annick Girardin.

Si les objectifs sont clairs et partagés par tous, les moyens pour y parvenir, eux, sont sujets à discussion. Une discussion qui a justement lieu jeudi, à Matignon, où élus calédoniens pro et anti-indépendance se sont réunis toute la journée. Plusieurs points particulièrement sensibles doivent être abordés lors de cette réunion, comme la composition du corps électoral et la présence d'observateurs de l'ONU. D'autres, notamment le libellé de la question qui sera posée aux votants, feront l'objet d'examens plus poussés.

Le corps électoral en question. La question du corps électoral est probablement la plus brûlante. L'accord de Nouméa, signé en 1998 après une flambée de violences entre indépendantistes et loyalistes dans les années 1980, prévoit une restriction du référendum aux personnes résidant en Nouvelle-Calédonie sans discontinuer depuis 1994. Mais encore faut-il qu'elles soient inscrites sur les listes électorales référendaires.

C'est là que le bât blesse : les indépendantistes militent pour que les Kanak, les populations autochtones de Nouvelle-Calédonie, soient inscrits d'office sur ces listes, même s'ils ne sont pas inscrits sur les listes électorales générales. Pour eux, un tel référendum n'aurait aucun sens s'il ne prenait pas en compte les populations anciennement colonisées. Mais les partis anti-indépendance crient, eux, à la discrimination. Et prônent les mêmes règles et les mêmes obligations pour tout le monde. "C'est une condition nécessaire pour tout le monde, en Nouvelle-Calédonie, d'être inscrit sur la liste générale pour voter au référendum", explique Virginie Ruffenach, secrétaire générale du mouvement Rassemblement-Les Républicains à Nouvelle Calédonie 1ère. "Il n'y a pas lieu qu'une catégorie soit exemptée de cette nécessité parce qu'elle appartient à telle ou telle communauté."

Quelle question poser ? Lors d'un référendum, tout dépend de la question posée. Sans surprise, le libellé proposé aux électeurs calédoniens sera donc crucial. Jeudi, les élus présents ne trancheront pas cette question définitivement. En revanche, ils s'accorderont sur une méthode pour aboutir à la formulation idéale. Un groupe de travail devrait être nommé pour parvenir à un consensus au printemps prochain.

Des bureaux de vote décentralisés. Enfin, la question de l'ouverture de bureaux de vote décentralisés est au cœur des débats. C'est, là encore, une revendication des indépendantistes, qui pointent le fait que nombre d'électeurs originaires des îles calédoniennes résident désormais sur l'île principale, Grande Terre. Ils militent donc pour ouvrir des bureaux de vote décentralisés à Nouméa, le chef-lieu de la collectivité d'outre-mer.

 

 

Trente ans d'autodétermination à petits pas

Le référendum d'autodétermination est une promesse qui date de l'accord de Nouméa, signé en 1998. Celui-ci est venu apaiser les tensions sur l'archipel.

Dans les années 1980 en effet, indépendantistes et loyalistes s'opposent parfois brutalement. Les violences atteignent un point culminant avec, le 5 mai 1988, la prise d'otages de gendarmes par des Kanak dans la grotte d'Ouvéa. L'assaut est donné, les preneurs d'otages ainsi que deux militaires sont tués. Des accords dits "de Matignon" sont signés fin juin pour créer trois provinces et prévoir un référendum d'autodétermination dans les dix ans.

Dix ans plus tard, l'accord de Nouméa prolonge le processus de décolonisation sur vingt ans. Il prévoit aussi un référendum, au plus tard en 2018. Entre temps, la Nouvelle-Calédonie acquiert de plus en plus de prérogatives, avec des transferts de compétences dans la police, l'organisation scolaire ou encore le droit civil et commercial.