Depuis trois semaines, ils ont battu le rappel contre la réforme du travail portée par Myriam El Khomri, mobilisant les jeunes et la gauche contre le projet de loi. William Martinet, Caroline De Haas et Benjamin Lucas se sont imposés comme les leaders de la fronde qui touche le gouvernement.
- William Martinet, la pas si jeune pousse de l'Unef
La mobilisation du mercredi 9 mars est marquante pour William Martinet à double titre. D'une part, il s'agissait du baptême du feu pour celui qui a pris la présidence de l'Union nationale des étudiants de France en 2013 et n'a, depuis, conduit aucun mouvement social d'ampleur. De l'autre, c'est l'anniversaire de ses dix ans d'engagement en politique. Le jeune homme, aujourd'hui âgé de 27 ans, était descendu dans la rue, en 2006, pour protester contre le contrat première embauche (CPE) de Dominique de Villepin. Et en avait profité pour rejoindre l'Unef un an plus tard.
Une décennie plus tard, William Martinet s'est rôdé. Militant puis président du syndicat étudiant au sein de l'université de Versailles Saint-Quentin, il a ensuite œuvré au sein du bureau national de l'Unef. Jusqu'à être le seul candidat à la succession du président, Emmanuel Zemmour. En attendant, ses études traînent, ce que ses détracteurs, politiques ou médiatiques, ne manquent pas de pointer du doigt. A 27 ans, William Martinet vient de s'inscrire en master d'économie sociale et solidaire après une licence de biologie. Le grand brun à la barbe de trois jours assume, tourne même la situation à son avantage, soulignant qu'en plus de son militantisme chronophage, il a dû travailler en parallèle de ses études. Comme 45% des étudiants, à en croire l'Observatoire de la vie étudiante.
William Martinet affiche la même décontraction face à ceux qui le soupçonnent de prendre la présidence de l'Unef pour un tremplin vers une carrière politique. "Moi ce que je veux, c'est travailler dans l'économie sociale et solidaire", affirme-t-il au Point, précisant qu'il n'a pas sa carte au Parti socialiste.
- Caroline De Haas, la militante de toujours
La pétition à plus d'un million de signatures ? C'est elle l'auteur. Pourtant, à première vue, Caroline De Haas n'était pas destinée à s'opposer un jour à un gouvernement socialiste. Militante de toujours, celle qui est aujourd'hui âgée de 35 ans, s'est engagée à l'Unef à 23 ans avant d'en partir à 29 pour devenir porte-parole de l'association Osez le féminisme !, qu'elle a co-fondée. L'affaire Dominique Strauss-Kahn, en mai 2011, la pousse sous les projecteurs. Ses critiques virulentes du traitement politico-médiatique de l'affaire, qui révèle selon elle le sexisme latent de la société française, trouvent un écho sur les plateaux de télévision.
Parallèlement, cette fille de médecins fait son chemin au Parti socialiste. Ancienne du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), collaboratrice de Benoît Hamon, elle s'est engagée en 2011 auprès de Martine Aubry pour la primaire à gauche. Avant de conseiller Najat Vallaud-Belkacem au ministère des droits des femmes pendant un an, entre 2012 et 2013. La rupture et l'abandon de sa carte au PS viendra avec l'arrivée de Manuel Valls à Matignon. "La liste de nos renoncements est si longue ces derniers mois que cela donne le tournis", explique alors Caroline De Haas sur son blog. "Lorsque nous avons parlé de coût du travail au lieu de parler de la richesse qu'il constitue, nous avons fait reculer la gauche."
Deux ans plus tard, Caroline De Haas n'a pas changé d'avis. Et a soigneusement préparé sa riposte avec Arnauld Champremier-Trigano, ancien directeur de la communication de Jean-Luc Mélenchon, et Elliot Lepers, web-activiste de 23 ans. Ce dernier est un autre déçu de la politique, qui avait quitté Europe Ecologie-Les Verts après avoir dirigé la campagne numérique d'Eva Joly en 2012. Lui et Caroline de Haas ont lancé de nombreuses initiatives, comme une plateforme contre le sexisme ou un appel à l'organisation d'une primaire à gauche en vue de la présidentielle 2017. La pétition contre la réforme du travail est indéniablement leur plus gros succès.
- Benjamin Lucas, l'anti-Valls
C'est le plus jeune de la bande, mais il est parti en même temps que les autres. A 15 ans, en 2006, Benjamin Lucas bloquait déjà son lycée d'Amiens pour protester contre le CPE. "Un moment de plaisir, de jubilation", raconte-t-il à Libération. Un moment qui lui donnera des idées pour la suite. En décembre dernier, le jeune étudiant en droit est devenu président du MJS.
Plus frondeur que pro-Macron, Benjamin Lucas s'en prend surtout à Manuel Valls. "Il est urgent de stopper la dérive libérale, la surenchère sécuritaire et identitaire, dans les mots et dans les actes", s'insurge-t-il dans une tribune à Francetv Info le 29 février dernier. "Comment pouvons-nous être crédibles en faisant au pouvoir ce que nous combattions dans l'opposition ?"
La position du président du MJS, qui a toujours prôné l'union de la gauche, est délicate. "ça me fait mal d'aller dans la rue pour m'opposer à un projet porté par les miens", résume mercredi sur Radio Classique celui qui s'estime proche des idées de François Hollande. Mais Benjamin Lucas n'en démord pas : le retrait de la réforme du travail est indispensable pour reprendre des discussions apaisées.