L'issue du combat était certaine mais qu'importe. De mardi à jeudi soir tard, les députés de la gauche de l'hémicycle ont tenu à ferrailler une dernière fois contre les ordonnances visant à réformer le code du travail, lors de l'examen du projet de loi de ratification desdites ordonnances.
Dès l'ouverture des hostilités, mardi, l'élue LREM Valérie Petit avait enjoint ses collègues à "ne pas rejouer les débats nombreux et intenses" qui avaient secoués les bancs de l'Assemblée pendant la moiteur de l'été. Ni cette demande, ni les déceptions successives de ces derniers mois, notamment la difficulté à lancer un mouvement contestataire d'ampleur dans la rue contre ces réformes du code du travail, n'ont découragé la gauche. Certes, celle-ci a parfois été moins en verve qu'au mois de juillet mais a tout de même déposé des centaines d'amendements, qu'elle a défendus pendant quelque 25 heures de débat.
"Perte de temps". Fusion des instances représentatives du personnel, accords d'entreprise, indemnités prud'homales, tout y est passé. Et la redondance de certains arguments n'a pas manqué d'agacer au sein de la majorité. "Qu'est-ce que vous espérez ?" a ainsi lancé l'élu du Val-de-Marne, Frédéric Descrozaille. "Qu'est-ce que vous faites à part nous faire perdre du temps ? On a déjà entendu ces arguments en juillet. Le temps que nous passons dans la mission de production législative me semble totalement déraisonnable. Ce temps-là, c'est du temps qu'on a en moins pour la mission d'évaluation et de contrôle."
" Qu'est-ce que vous espérez ? Qu'est-ce que vous faites à part nous faire perdre du temps ? "
"Droits fondamentaux du Parlement". Des reproches impossibles à entendre pour l'opposition de gauche. "Notre collègue vient de mettre en cause de manière ouverte, assumée, les droits fondamentaux du Parlement, la capacité à légiférer et amender la loi", s'est agacé le député communiste Sébastien Jumel. "Je veux mettre en garde la majorité : vous êtes pressés de mettre en œuvre le projet du Medef mais vous êtes ici devant le Parlement, dont la Constitution garantit les prérogatives." Son collègue Pierre Dharréville a volé à son secours : "Nous sommes là pour jouer notre rôle, débattre. Donc nous allons jouer ce rôle, et pas démissionner. La démocratie, ça prend parfois du temps."
Petite victoire. D'autant que, contrairement à ce que laissaient présager les positions de chacun, quelques modifications à la marge ont été faites. Ainsi, le député Nouvelle Gauche Boris Vallaud a pu se féliciter de l'adoption de son amendement 159, visant à conserver un droit d'alerte pour les représentants du personnel dans les entreprises de plus de dix salariés. "Le débat que nous avons eu a manifestement permis de faire bouger les lignes", a lancé Pierre Dharréville. "J'apprécie cette ouverture. Elle justifie, à nos yeux, la poursuite de l'action que nous menons dans l'hémicycle." Même si la victoire était, somme toute, à relativiser. "Au fond, c'est si peu puisque ce n'était que le maintien de l'état du droit", a rappelé Boris Vallaud.
Des visions irréconciliables. Le député Nouvelle Gauche a d'ailleurs achevé le baroud d'honneur de son groupe en présentant un amendement de suppression pure et simple de l'ensemble des ordonnances, tandis qu'à La France Insoumise, Danièle Obono défendait un "droit opposable" à l'emploi. Avant le début dec l'examen du projet de loi de ratification, la présidente de la commission des Affaires sociales, Brigitte Bourguignon, ne se faisait pas d'illusions sur cet "exercice obligé, codifié" : "il y aura toujours les mêmes oppositions de principe." À gauche, ses opposants ne disent pas autre chose. Ces ultimes débats sur les ordonnances ont confirmé, pour l'Insoumis Eric Coquerel, les "deux visions diamétralement opposées de la question du travail" que sont celles de la gauche et celles de la République en marche!.