Levée de boucliers dans les oppositions. Ce jeudi, le Conseil des ministres a autorisé le gouvernement à engager sa responsabilité devant l'Assemblée nationale pour faire adopter la réforme des retraites sans vote, après le choix d'Emmanuel Macron de recourir à l'outil controversé du 49.3, a-t-on appris auprès de l'Élysée. "La Première ministre a demandé au président de pouvoir engager la responsabilité de son gouvernement sur le texte issu de la commission mixte paritaire" qui a réuni mercredi des députés et des sénateurs, a déclaré à l'AFP la présidence de la République. Une décision qui a rapidement fait réagir les opposants.
Des députés de la majorité "sous le choc" du 49.3
Un "gâchis", un "choc" voire un "crash" : plusieurs députés de la majorité se disent "abasourdis" par le recours du gouvernement au 49.3 sur la réforme des retraites, notamment au MoDem, qui "a plaidé jusqu'au bout" pour un vote. Chez les centristes, Erwan Balanant (MoDem) est sorti "sous le choc" de l'hémicycle, raconte-t-il à l'AFP. "C'était une erreur de faire le 49.3 sur un texte comme ça vu l'état de notre démocratie. Il fallait aller au vote, quitte à perdre. Je suis sous le choc", a réagi cet élu du Finistère, en évoquant une situation "qui s'approche de la crise de régime".
Le président du groupe MoDem Jean-Paul Mattei a "été extrêmement courageux, il a dit à chaque réunion qu'il fallait aller au vote", selon Erwan Balanant. C'était aussi ce que portaient les patrons des groupes alliés Renaissance et Horizons, Aurore Bergé et Laurent Marcangeli. Dans un communiqué, l'ensemble du groupe des 51 députés MoDem souligne ainsi avoir plaidé "jusqu'au bout en faveur d'un vote". Il "assure néanmoins" l'exécutif de "son soutien" après la "décision difficile" du recours à l'arme constitutionnelle. Celle-ci est "seule à même de garantir l'adoption d'un texte majeur et essentiel pour la sauvegarde de notre système de retraites par répartition".
Le 49.3, qui permet de faire adopter un texte sans vote, "c'est un gâchis" et un "aveu de faiblesse", estime aussi Richard Ramos (MoDem), le seul qui était susceptible de s'abstenir dans son groupe. Favorable au projet de loi, Philippe Vigier (MoDem) déplore un "énorme gâchis", tout en attaquant la droite: "beaucoup de LR" voulaient voter contre la réforme "uniquement en opposition à Emmanuel Macron".
Au sein du groupe Horizons, André Villiers, un des plus réticents à la réforme, estime que "c'est un gâchis à retardement" et que "dans l'opinion publique les choses resteront très cristallisées". Chez Renaissance aussi, certains élus macronistes ne cachent pas leur incompréhension. À une réunion Renaissance peu avant l'officialisation du 49.3, les députés étaient "abasourdis", selon un participant. Ils anticipent "l'enchaînement possible derrière". Pour un responsable du groupe majoritaire, sous couvert d'anonymat, "c'est un crash. Il faut une dissolution".
La question des motions de censure attise les divisions des LR
Les divisions étaient exacerbées jeudi chez les Républicains, à propos des motions de censure consécutives à l'emploi du 49.3 par le gouvernement sur la réforme des retraites. Eric Ciotti a indiqué que son parti n'en votera "aucune", mais plusieurs députés réfléchissent à les soutenir. "Nous ne nous associerons à aucune motion de censure et ne voterons aucune motion de censure", a déclaré le patron du parti, disant ne pas vouloir "rajouter du chaos au chaos".
"La situation de crise dans le pays ne supporteraient pas que l'on porte aujourd'hui un coup fatal à notre démocratie et à nos institutions: nous ne participerons jamais à une coalition des extrêmes dont le seul but est de porter la révolution", a justifié Eric Ciotti. Le député des Alpes-Maritimes a indiqué que la position a été retenue à la suite d'un vote des députés LR. "Tous les membres qui étaient présents se sont rangés à la décision très majoritaire", a-t-il précisé.
Mais le député Aurélien Pradié, opposé à la réforme et partisan du dépôt d'une motion de censure propre à LR, a estimé dans la foulée que "chaque député reste totalement libre d'aller participer à une autre motion de censure". Le député du Lot a expliqué n'écarter "aucune hypothèse par définition", notamment à propos d'une éventuelle motion portée par le groupe des indépendants LIOT. De même, Pierre-Henri Dumont a indiqué ne pas vouloir s'associer à une motion "signée par des membres du RN ou de LFI", mais une motion LIOT "se négocie, se discute", a-t-il fait valoir. Le député de la Moselle Fabien Di Filippo a pour ça indiqué qu'"à titre personnel, (il) votera la censure".
Jean-Luc Mélenchon observe un "effondrement de la minorité"
Jean-Luc Mélenchon a observé un "effondrement de la minorité présidentielle" jeudi depuis un rassemblement organisé place de la Concorde après le 49.3 utilisé par Elisabeth Borne pour faire adopter la réforme contestée des retraites.
Selon lui, après cet "échec spectaculaire", le mouvement social a "de bonnes chances d'avoir le dernier mot". "Nous sommes en face d'un texte pas adopté dans les formes d'une démocratie parlementaire", a insisté le chef insoumis, alors que la manifestation gagnait de l'ampleur.
Laurent Berger annonce de "nouvelles mobilisations"
"Il y aura de nouvelles mobilisations" contre la réforme des retraites, a déclaré jeudi à l'AFP le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, dénonçant un "vice démocratique" après la décision du gouvernement d'activer l'arme constitutionnelle du 49.3 pour faire adopter sa réforme.
"Évidemment qu'il y aura de nouvelles mobilisations, parce que la contestation est extrêmement forte, on a déjà énormément de réactions de la part des équipes syndicales. On décidera ensemble dans une intersyndicale", qui se tiendra jeudi soir au siège de la CGT, a-t-il ajouté.
En recourant au 49.3 le gouvernement fait la démonstration qu’il n’ a pas de majorité pour approuver le report de deux ans de l’âge légal de départ en retraite. Le compromis politique a échoué. Ce sont les travailleurs qu’il faut écouter quand on prétend agir sur leur travail.
— Laurent Berger (@CfdtBerger) March 16, 2023
Marine Le Pen annonce qu'elle déposera une motion de censure
Marine Le Pen (RN) a annoncé jeudi qu'elle déposerait une motion de censure contre le gouvernement après l'utilisation du 49.3 sur le texte de la réforme des retraites par Elisabeth Borne, en considérant que cette dernière "ne peut pas rester" à Matignon. "Nous espérons que ceux qui s'apprêtaient à voter contre cette réforme des retraites voteront cette motion de censure. En ce qui nous concerne, nous déposerons une motion et nous voterons l'intégralité des motions de censure qui seront déposées", a ajouté la présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l'Assemblée nationale, qui compte 88 députés.
La triple candidate malheureuse à la présidentielle a estimé que l'utilisation du 49.3 "est un constat d'échec total pour Emmanuel Macron", "un échec personnel" du président de la République, autant qu'un "aveu extraordinaire de faiblesse" du gouvernement. Selon elle, Elisabeth Borne "ne peut pas rester" à Matignon. "Il faut qu'elle parte. Le fait de rester serait considéré comme une gifle supplémentaire à l'égard du peuple français", a ajouté Marine Le Pen, en considérant que la situation était celle d'une "crise politique".
Fabien Roussel souhaite mettre en place un référendum d'initiative partagée
Le député du Parti communiste français (PCF) Fabien Roussel a vite réagi au déclenchement du 49.3 par la Première ministre dans le but d'éviter un vote sur la réforme des retraites par l'Assemblée nationale. Pour Fabien Roussel, "le gouvernement fait le choix du 49.3 et décide de rendre cette réforme encore plus illégitime". Pour s'opposer à cela, le leader du PCF souhaite engager une "grande bataille populaire avec l'intersyndicale" pour pouvoir mettre en place un référendum d'initiative partagée (RIP), a-t-il déclaré sur Twitter.
Le gouvernement fait le choix du 49-3 et décide de rendre cette reforme encore plus illegitime !
— Fabien Roussel (@Fabien_Roussel) March 16, 2023
Nous avons un outil : le REFERENDUM, le RIP.
Engageons- nous dans une grande bataille populaire avec l'intersyndicale qui a fait preuve d'une grande responsabilité
"Les caprices" du président
Le chef du Parti socialiste Olivier Faure a dénoncé jeudi "les caprices" du président, après la décision d'Emmanuel Macron de recourir à l'article 49.3 pour faire passer sa réforme très controversée des retraites sans vote à l'Assemblée. "L'Elysée n'est pas un parc pour abriter les caprices du président", a tweeté Olivier Faure. "Quand un président n'a pas de majorité dans le pays, pas de majorité à l'Assemblée nationale, il doit retirer son projet", a-t-il ajouté. Le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard a de son côté dénoncé "le coup de force permanent". "Le peuple est contre eux. Dégageons-les", a-t-il plaidé.
Quand un président n’a pas de majorité dans le pays, pas de majorité à l’Assemblée Nationale, il doit retirer son projet. L’Elysée n’est pas un parc pour abriter les caprices du président. #64ansCestNon
— Olivier Faure (@faureolivier) March 16, 2023
Pour le chef des communistes Fabien Roussel, "cette réforme va être illégitime", a-t-il dit à la presse. "Il nous reste un outil, le Référendum d'initiative partagée (recours à l'initiative de parlementaires et de citoyens, ndlr). Dans ce cas, nous avons une belle campagne devant nous et pendant ce temps-là la réforme sera suspendue. Le parlement aura été jusqu'au bout bafoué, humilié". "On ne va pas s'arrêter là", a abondé sur Twitter la secrétaire nationale d'EELV Marine Tondelier, soulignant que "dans la rue, le 49.3, ça n'existe pas". "Le choix d'Emmanuel Macron de recourir au 49.3 est lourd de sens et illustre son mépris, son échec et sa brutalité", a-t-elle ajouté.
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Des députés LFI appellent à la démission d'Elisabeth Borne
Marseillaise chantée et panneaux "64 ans, c'est non" brandis par des députés de gauche : la séance consacrée à la réforme des retraites a démarré jeudi dans le chahut à l'Assemblée nationale, à l'arrivée d'Elisabeth Borne pour déclencher le 49.3.
Après un premier faux départ en raison d'un retard de la Première ministre, la séance a été brièvement interrompue. Elisabeth Borne a fini par prendre la parole à la tribune, devant des députés LFI appelant à sa "démission".