Dernier jour de campagne en vue du second tour des élections régionales. Assistera-t-on à une remobilisation massive des électeurs, alors que le premier tour a été marqué par une abstention record ? À quelle issue s'attendre en région Paca, seule région où le Rassemblement national est arrivé en tête ? Invité d'Europe 1, vendredi, Bernard Sananès, politologue et président de l'institut de sondage Elabe, nous éclaire sur les principaux enjeux de ce scrutin.
Les électeurs vont-ils massivement revenir vers les urnes ?
"Je n'y crois pas", affirme Bernard Sananès, évoquant le taux d'abstention massif constaté lors du premier tour des élections régionales et départementales. Pourtant, en 2015, la participation entre les deux tours avait progressé de plus de huit points, ajoute-t-il. Alors quelle différence ? "Il y avait une dynamique de l'entre-deux-tours, une dynamique politique médiatique", explique-t-il, précisant que l'intérêt avait alors été de savoir si le Front national allait gagner des régions ou pas, ce qui avait boosté la participation. "Cette semaine, il n'y a pas eu d'éléments laissant penser à un grand sursaut de la mobilisation" sur l'ensemble du territoire, compare le politologue. Selon ce dernier, la participation pourrait en revanche progresser dans les quelques régions où le scrutin apparaît serré.
Toutefois, plus globalement, Bernard Sananès n'imagine pas de réelle inversion de la tendance : "L'abstention restera très forte, et elle restera le fait politique majeur de ce scrutin."
Le RN est-il en capacité de l'emporter dans certaines régions ?
Et pourtant, comme en 2015, il y a cette question de savoir si le rassemblement national est en capacité de remporter des régions. A la différence que le FN est lui même touché par l'abstention. "C'est finalement le résultat de sa banalisation", estime Bernard Sananès. "Le Rassemblement national de Marine Le Pen n'a pas réussi à mobiliser le vote de la colère", ajoute-t-il, évoquant une colère sociale, mais aussi sécuritaire.
"Marine Le Pen, qui incarne pourtant aux yeux des Français la première opposante à Emmanuel Macron n'a pas réussi à faire venir ses électeurs aux urnes", rappelle le président d'Elabe. Selon ce dernier, il peut y avoir trois explications à cela : premièrement, au sortir de la crise sanitaire, cette colère a diminué dans le pays, mais "personnellement, je ne le crois pas" ; la deuxième, c'est de se demander si cette colère n'est finalement pas devenue résignation, "une forme de lassitude qui ne pourrait plus se traduire dans les urnes" ; enfin, la colère pourrait bel et bien exister, "mais attend son heure, qui sera plutôt celle de l'élection présidentielle".
À quoi faut-il s'attendre en région Paca ?
Malgré l'abstention au niveau national, le Rassemblement national s'est tout de même imposé en région Paca, l'une des rares régions où le suspense persiste. Mais au vu des sondages très contradictoires ces derniers jours, à quoi faut-il s'attendre ?
Ces sondages ne font que confirmer qu'il s'agit du scrutin le plus serré, répond Bernard Sananès. "C'est le scrutin qui va focaliser l'attention, parce qu'on est autour de 50/50", précise le politologue qui évoque des réserves de voix. "Visiblement, dans cette région qui est un bastion RN, là aussi un certain nombre de ces électeurs ne sont pas allés voter", développe-t-il. Par ailleurs, "deux listes de droite souverainiste (totalisant 4% des voix à elles deux) pourraient voter pour Thierry Mariani".
Mais la vraie question, pointe le président d'Elabe, c'est le résultat du front républicain. "Est-ce que les électeurs de gauche vont choisir d'écouter les consignes de leur candidat et d'aller voter pour Renaud Muselier ? Ou est-ce qu'une importante partie d'entre eux va s'abstenir ?", questionne-t-il. "Si 45 à 50% d'électeurs de gauche s'abstiennent, ce sera très difficile pour Renaud Muselier".
Et si Thierry Mariani venait à l'emporter dimanche, "ce serait un succès très important qui recréera une dynamique pour la présidentielle et qui effacera presque la contre-performance du premier tour."
La majorité présidentielle a-t-elle encore une chance ?
En Île-de-France et dans d'autres régions, le second tour consistera à départager des duels opposant la droite et la gauche, la plupart du temps à l'avantage des sortants de la droite, qui sont tous plutôt en bonne position. Pour la République en marche, en revanche, tout semble déjà joué... et perdu.
"Si le RN peut encore espérer gagner une région, ce n'est plus le cas pour la majorité présidentielle", rappelle Bernard Sananès, qui évoque un parti sortant "essoré" de ce premier tour. La République en Marche (LREM) "ne réussit à être en situation de l'emporter dans aucune région. Elle est même éliminée déjà dans trois régions", poursuit le politologue, considérant que LREM a "raté cette marche pourtant importante pour elle : celle de l'implantation électorale".
Dimanche, LREM ne pourra ni gagner, ni peser, analyse Bernard Sananès. "Dans la région Centre-Val de Loire, qui était avant le premier tour donné comme sa meilleure chance, elle ne semble pas pouvoir rivaliser avec le président sortant, mais plus embêtant : elle ne peut pas non plus peser". Un scénario similaire dans les Hauts-de-France, en Bourgogne Franche-Comté et en Île-de-France. "Cela peut remettre en cause une forme de dynamique qu'avait retrouvée Emmanuel Macron, notamment dans les enquêtes d'opinion en sortie de Covid, mais surtout, cela peut fragiliser l'attractivité politique du macronisme", détaille le directeur d'Elabe. Possible conséquence ? Le risque de se dire "finalement, aujourd'hui, l'étiquette majorité présidentielle ne fait pas voter."