Pourquoi le remaniement prend-il tant de temps ? Parce qu'il est bien sûr complexe de constituer une nouvelle équipe en respectant une longue liste de principes, notamment les équilibres paritaires, entre société civile et politique, et entre droite et gauche. Mais aussi, explique l'exécutif, parce que vérifier le patrimoine et la rigueur fiscale de chacun prend du temps. "Désormais, on fait des vérifications sur les ministres qu'on nomme, ça passe par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, c'est nécessaire", a rappelé le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, ce week-end sur France Inter. "Le temps où on nomme un ministre en deux heures, ça, c'est un temps révolu."
Depuis l'affaire Thévenoud en effet, l'exécutif a pris l'habitude, sans que cela soit une obligation pour autant, de passer les déclarations fiscales et patrimoniales des ministrables au peigne fin. En 2014, pendant le quinquennat de François Hollande, l'éphémère secrétaire d'État au Budget avait démissionné neuf jours après sa nomination, après la découverte d'impôts impayés. Que se passe-t-il donc aujourd'hui pour éviter de répéter ce couac ? L'exécutif a à sa disposition trois institutions auxquelles il peut faire appel pour vérifier que celui ou celle qu'il s'apprête à appeler au gouvernement est en règle.
La HATVP examine les potentiels conflits d'intérêts
D'abord, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui permet de vérifier si la personne se trouve dans une situation de conflit d'intérêts. Créée en 2013, la HATVP dispose des déclarations d'intérêts et de patrimoine de près de 15.000 élus et responsables publics. Si le nom soumis par l'exécutif figure dans son fichier, la transmission d'informations, par téléphone, est très rapide. Elle peut prendre plusieurs jours lorsque ce n'est pas le cas et que la HATVP doit se mettre en relation avec d'autres institutions, notamment l'administration fiscale, pour vérifier les informations données par le ou la ministrable.
L'administration fiscale sollicitée
La deuxième précaution prise par le gouvernement, là encore pleinement facultative, l'est auprès de l'administration fiscale. Elle permet de vérifier si la personne nommée "satisfait ou non aux obligations de déclaration et de paiement des impôts dont elle est redevable", selon la loi de moralisation de la vie publique de 2017. Bercy se fend alors d'une note écrite à l'Élysée, ce qui ne prend certainement pas une semaine.
La justice transmet le bulletin 2 du casier judiciaire
Enfin, l'Élysée peut réclamer auprès de la justice un extrait du bulletin numéro deux du casier judiciaire du ministrable. C'est une procédure déjà utilisée par certains employeurs pour des postes précis (auprès de mineurs par exemple) mais qui n'est pas contraignante : aucun casier vierge n'est requis pour entrer au gouvernement, contrairement d'ailleurs à ce qu'avait promis le candidat Macron pendant sa campagne présidentielle.
Le bulletin n°2 comporte toutes les condamnations et décisions de justice à l'exception de celles assorties d'une dispense ou d'un aménagement de peine, de la déchéance d'autorité parentale ou encore de celles prononcées lorsque la personne était mineure.
Des informations utiles mais non contraignantes
Toutes ces vérifications ne prennent pas plus d'une semaine. Mais elles sont automatiquement relancées de zéro, forcément, lorsque le ministrable change… ce qui expliquerait le temps pris par le remaniement actuel. Les informations transmises le sont à l'Élysée, mais aussi au Premier ministre lorsqu'il ne s'agit pas de sa propre nomination. Sans qu'aucune d'entre elles ne soit rédhibitoire pour nommer qui que ce soit. Ainsi, en 2017, la HATVP avait averti sur le risque de conflit d'intérêts entre les activités d'éditrice de Françoise Nyssen, codirectrice d'Actes Sud, et le ministère de la Culture. Ce qui n'avait pas empêché sa nomination.
Après ladite nomination, de nouvelles vérifications sont effectuées par la HATVP et Bercy, cette fois beaucoup plus en profondeur. Ce qui explique que certaines affaires soient découvertes bien après, comme dans le cas de Laura Flessel, ex-secrétaire d'État au Sport, qui est désormais soupçonnée de fraude fiscale et a dû quitter le gouvernement. À la fin de leur mandat, les élus font de nouveau l'objet d'un examen par la HATVP, afin de s'assurer qu'ils ne sont pas illicitement enrichis.