Remaniement : "des ministères cartes postales", pointe Pierre Rosanvallon

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Europe 1

L’historien Pierre Rosanvallon, auteur de l’essai "Le Bon Gouvernement", était l’invité de David Abiker, dans "C’est arrivé cette semaine", pour réagir au remaniement ministériel. 

L'intellectuel Pierre Rosanvallon était l'invité de David Abiker, samedi matin, dans C'est arrivé cette semaine, pour revenir sur le remaniement ministériel, intervenu jeudi. "J’ai trouvé un peu désespérantes les conditions dans lesquelles ont été formées et annoncées ces transformations", a jugé d'emblée l'auteur de l'ouvrage Le Bon Gouvernement, paru en août dernier au Seuil. 

Un remaniement "politicien". "La façon, presque latérale, de l'annoncer sur Twitter… On n’avait pas le sentiment que quelque chose d’important se passait. Ce changement de gouvernement, il était marqué par un esprit politicien", estime le professeur au Collège de France, où il occupe la chaire "Histoire moderne et contemporaine du politique". "Là, on a vraiment le sentiment que, dans un moment d’essoufflement, on cherche par tous les bouts à raccommoder quelque chose après lequel on court depuis longtemps, en faisant même venir des personnalités qui n’ont cessé de honnir le gouvernement depuis des années", déplore-t-il.

"Ça, c’est la dimension politicienne. On va essayer, au dernier moment, de faire revivre un certain nombre d’alliances et à défaut de ces alliances, de satisfaire les ambitions de quelques personnes." Visant à relancer le quinquennat de François Hollande, le changement de l'équipe gouvernementale est pourtant loin d'avoir convaincu les Français. D'après un sondage réalisé par Odoxa pour Paris-Match et iTélé, près de trois quarts des Français se déclarent ainsi "mécontents de la composition de la nouvelle équipe", présentée jeudi dernier. 

Des ministères "slogans". "C’est le règne des slogans. Regardons les titres de trois ministères ou secrétariats d'Etat : ‘de la biodiversité’, de ‘l'égalité réelle", et de 'l'habitat durable', pointe l'historien. On est presque dans des ministères cartes postales", poursuit-il. "Cela dit quelque chose du langage politique. On ne répond pas à des problèmes par des slogans, on ne répond pas à des demandes par l’envoi de cartes postales abstraites", souligne Pierre Rosanvallon.

Les risques d'une démocratie affaiblie. "Il y a une attente de parler vrai", affirme l'intellectuel. "Le parler vrai, c’est aussi pouvoir reconnaître ses erreurs", insiste Pierre Rosanvallon, qui estime que le gouvernement aurait pu revenir sur sa volonté d'introduire la déchéance de nationalité dans la Constitution, décision prise dans l'urgence et l'émotion post-attentats de Paris. Pour l'historien, l'égalité de droits pour tous les citoyens, le fait qu'il soient traités de la même façon, était "l'un des rochers solides" de la gauche, alors même que celle-ci, en plein "brouillard", traverse une crise d'identité, est en "perte de consistance". 

Ce qui est très grave pour Pierre Rosanvallon, au-delà du contenu même de la déchéance de nationalité, "c’est qu’on ait eu l'idée de l’inscrire dans la Constitution". Car attention, "lorsque l'on veut faire une opération politique en inscrivant trop de choses" dans la Constitution, "on la dévalorise". Et l'historien de mettre en garde : "Si l’on abaisse la Constitution, face à la montée des populismes en Europe, la démocratie sera sérieusement fragilisée."

>> Retrouvez tous les samedis matin, de 9 à 10 heures, l'émission de David Abiker, "C'est arrivé cette semaine".