Renaud Van Ruymbeke n'a que 27 ans quand il commence à enquêter sur les comptes de Robert Boulin, alors ministre du Travail, et accusé d'avoir fait l'acquisition de terrains de manière frauduleuse. Cette affaire, qui se soldera par la mort mystérieuse de Robert Boulin, place le juge d'instruction, alors en poste à Caen, sous le feu des projecteurs. Il ne les quittera jamais, au cours d'une carrière marquée par les scandales financiers qu'il raconte dans son livre, Mémoires d'un juge trop indépendant (Ed. Tallandier). Le magistrat revient, au micro d'Europe 1, sur les grandes affaires qui ont marqué ses années de magistrat.
Une affaire marquante
Avec l'affaire Boulin, Renaud Van Ruymbeke s'attaque à une personnalité de premier plan, le ministre du Travail. L'enquête fait grand bruit. "En enquêtant sur les comptes d'un ministre, je faisais quelque chose d'inhabituel dans la magistrature à l'époque", se souvient le magistrat. "Jusqu'alors, les dossiers financiers ne remontaient jamais à l'échelon supérieur, celui des personnes d'autorité. Mais je ne m'attendais pas, évidemment, à la mort du ministre."
Cette mort le fait flancher un instant. "Je me suis demandé si je n'étais pas allé trop loin, puis la raison l'a emporté, je ne pouvais pas étouffer un dossier. C'était comme me renier complètement." Cette affaire, violente pour lui, va le "vacciner" face aux épreuves qu'il rencontrera par la suite. Parmi elles, l'affaire Clearstream, en 2004. Des politiciens et des industriels tentent de manipuler la justice, en prétendant notamment qu'un certain Nicolas Sarkozy possèderait un compte à l'étranger. Renaud Van Ruymbeke mène une enquête qui va tourner au vinaigre : certains noms dénoncés dans la liste de comptes occultes sont faux. Cette affaire sera "le regret de sa vie", avoue le juge d'instruction sur Europe 1.
Des politiques face à leurs responsabilités
Renaud Van Ruymbeke enquêtera par la suite sur les affaires Kerviel et Cahuzac, entre autres. Il creuse le sillon des affaires d'ordre financier. "S'il y a eu un changement de fait depuis l'époque de Robert Boulin, c'est que les politiques ne sont plus au-dessus des lois", estime-t-il.
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En revanche, les pressions politiques à l'égard de l'institution judiciaire existent toujours, selon lui. "Le discours politique n'a pas vraiment changé, nous l'avons vu avec l'affaire Fillon en 2017, ou celle du financement de campagne du FN", rappelle Renaud Van Ruymbeke. Nous faisons face aux mêmes reproches, aux mêmes tentatives de déstabilisation, que le gouvernement en place soit de droite ou de gauche." Le juge d'instruction, qui avait refusé de rejoindre le cabinet du ministre de la JusticeEric Dupond-Moretti, espère qu'une réforme d'ampleur puisse être envisagée à l'avenir. Celle qui permettra de "rendre le parquet indépendant" et de le délier du ministère de la Justice.