En annonçant mardi son refus de participer à la prochaine "Rencontre de Saint-Denis" organisée vendredi par Emmanuel Macron, le président des Républicains, Éric Ciotti, vide de sa substance ce rendez-vous déjà boudé par LFI et le PS, même si l'Elysée veut garder les "portes ouvertes". "Je ne serai pas présent à Saint-Denis" : Éric Ciotti s'est justifié dans un entretien au journal Le Figaro, en fustigeant notamment "une énième démarche de communication", dont il refuse d'être "l'alibi".
La table rétrécit au gré des défections
Après avoir participé à la première rencontre fin août, le président de LR avait jusqu'alors laissé entendre qu'il renouvellerait l'expérience : "Plutôt oui", répondait-il encore la semaine dernière sur sa participation, en faisant valoir que "par principe, je ne suis pas hostile au débat". Mais, met-il désormais en avant, "l'absence du président de la République dimanche à la manifestation contre l'antisémitisme a fini de (le) convaincre de ne pas y participer".
A quoi peut ressembler cette nouvelle "rencontre", dont la table rétrécit au gré des défections, entamées par Olivier Faure (Parti socialiste), qui a été suivi par Manuel Bompard (La France insoumise) ? Certes, Emmanuel Macron pourra compter sur ses alliés, Stéphane Séjourné (Renaissance), François Bayrou (MoDem), Edouard Philippe (Horizons), Laurent Hénart (Parti radical). Le patron de l'UDI, Hervé Marseille, qui fait montre d'égards à l'endroit de la majorité présidentielle, sera également présent.
Bardella, Roussel et Tondelier répondent présent
Mais, parmi les oppositions, seuls Jordan Bardella pour le Rassemblement national, Fabien Roussel pour le PCF et Marine Tondelier pour EELV ont annoncé leur venue. Cette dernière a confirmé mardi à l'AFP sa participation, plaidant "pour que la justice environnementale et la justice sociale soient au cœur des discussions". Le rendez-vous, désormais promis à se tenir en catimini, s'annonce déjà plombé. Les portes "resteront ouvertes" jusqu'au bout, a fait savoir l'Elysée en réaction aux "non".
Mais le coup d'éclat de l'édition inaugurale du 30 août, lorsque l'ensemble des chefs de partis représentés au Parlement avaient consenti à se rendre à la Maison de l'éducation de la Légion d'honneur, à deux pas de la basilique où reposent les rois de France, semble lointain. Ce qui avait été présenté comme "une initiative d'ampleur" par Emmanuel Macron avait alors tourné à son avantage, le chef de l'Etat parvenant à tenir une réunion longue de 12 heures conclue au milieu de la nuit.
"Dépasser les clivages dans l'intérêt du pays"
Le deuxième round prévu vendredi se voulait pourtant consensuel : dans son invitation envoyée la semaine dernière, le président de la République appelait à "dépasser les clivages dans l'intérêt du pays", soulignant que les "réflexions sur les pistes d'évolution du référendum devront également être poursuivies". "Il s'agirait à la fois de saisir des projets de loi relevant de questions dites 'sociétales' comme la fin de vie parfois évoquée, mais également de réformes plus larges touchant plusieurs aspects intriqués entre eux, comme c'est le cas des questions migratoires qui relèvent de sujets régaliens, économiques, sociaux ou même diplomatiques", précisait-il.
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Mardi, l'Elysée a en outre souligné que la réunion doit permettre de faire "un point sur la situation internationale, notamment au Proche-Orient, dont les conséquences se sont traduites en France par une augmentation des actes antisémites". Plus encore que celle de LFI et du PS, la fin de non-recevoir de Éric Ciotti apparaît dès lors audacieuse : le patron de LR réclame depuis le printemps un référendum sur l'immigration.
Le revirement d'Éric Ciotti
Un paradoxe ? La politique de la chaise vide adoptée par le député des Alpes-Maritimes semble surtout s'inscrire dans une séquence plus large. Car le parti de droite se cherche une position sur le projet de loi immigration, tiraillé entre les tenants d'une ligne "constructive" au Sénat - surtout Gérard Larcher, le président LR de l'institution - et les partisans de la rupture, dominés par le chef des députés LR, Olivier Marleix, qui n'entendent pas voter le texte et font planer la menace d'une motion de censure en cas de 49.3.
Hasard ou coïncidence, le revirement d'Éric Ciotti, qui a surpris jusque dans ses propres rangs, est intervenu au moment-même où se tenait une réunion du groupe LR à l'Assemblée nationale, en présence du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez. Or c'était la première fois que le candidat putatif de la droite à l'élection présidentielle se rendait à ce rendez-vous depuis le début de la législature, un épisode vu par d'aucuns comme une tentative de reprise en main.