Robert Badinter estime que la loi constitutionnelle adoptée mercredi par le Parlement n'est pas "une bonne loi". "Par rapport au texte existant, qui prévoit la déchéance, je ne peux pas dire qu’il y ait un progrès. La formule de la fin du texte, s’agissant d''atteintes graves' à la vie de la nation, est imprécise pour un juriste. Elle vise les délits, alors que ça devrait être marqué 'déchéance de nationalité de celui qui a commis à l’égard de la nation des crimes d’une importance extrême'", a appuyé l'ancien garde des Sceaux de François Mitterrand. S'il était encore au gouvernement, Robert Badinter aurait "très légèrement modifié le texte existant pour l’améliorer", puis "fait passer la loi au Parlement à l’ordinaire".
"Un principe et un symbole". L'ancien ministre de la Justice distingue fermement les attentats du 13 novembre des "atteintes graves à la vie de la nation" citées dans le projet de loi du gouvernement. Pour lui, avec les attentats du 13 novembre, "nous sommes là à un niveau de crime qui se situe au niveau des crimes contre l’humanité". Les terroristes "abattent (leurs victimes, ndlr) au nom d’une idéologie avec laquelle notre société et notre civilisation n’ont rien à faire... Et on s’interroge sur des "atteintes graves"… C'est un outrage, un outrage à la vie humaine", affirme Robert Badinter d'une voix vibrante. Et de résumer : "La déchéance de nationalité doit demeurer un principe et un symbole. Ce n’est pas fait pour être transformé en mesure de sûreté".
Il n'est cependant pas d'accord avec certaines critiques faites à l'exécutif sur la déchéance de nationalité. Le député UDI Charles de Courson et l'eurodéputé Les Républicains Renaud Muselier se sont insurgés contre cette mesure en évoquant leur histoire familiale pendant la Seconde Guerre mondiale. La députée écologiste Cécile Duflot a elle aussi évoqué le régime du maréchal Pétain. "Vichy a été une parenthèse hideuse", a déclaré Robert Badinter. "Je ne comprends pas quel est l’argument."
Fabius, "le plus doué" de sa génération. Robert Badinter, qui a dirigé le Conseil constitutionnel de 1986 à 1995, se réjouit de la prochaine nomination de Laurent Fabius à la tête de l'institution. Il ne tarit pas d'éloges à l'égard de celui qui a été son Premier ministre de 1984 à 1986. "Fabius est, de tous les hommes de sa génération, le plus doué, celui qui a les qualités les plus rarement réunies pour un homme politique", insiste l'ancien garde des Sceaux.
Robert Badinter en est convaincu, l'ancien ministre des Affaires étrangères avait, à une époque, toutes les qualités pour être président de la République. C'est sa mise en cause dans l'affaire du sang contaminé, "une profonde injustice", qui aurait empêché son ascension à la tête du pays, selon lui.
François Hollande a annoncé mercredi sa volonté de nommer Laurent Fabius président du Conseil constitutionnel. Ce dernier avait confirmé sa démission du ministère des Affaires étrangères un peu plus tôt dans la journée.