Produire en gagnant sa vie et consommer en la préservant : les États généraux de l'alimentation, qui démarrent jeudi à Paris, vont réunir plusieurs centaines d'intervenants pour tenter de réconcilier d'ici à la fin de l'année, agriculture, économie, santé et environnement. Le Premier ministre Édouard Philippe lancera les débats suivi des ministres de la Santé, de l'Agriculture, l'Économie et de la Transition écologique. Le président de la République devait conclure cette première journée mais il a finalement annulé sa venue jeudi matin.
Satisfaire producteurs et consommateurs. C'est pourtant Emmanuel Macron qui avait proposé ces travaux durant la campagne présidentielle, souhaitant répondre à un double impératif : que les agriculteurs puissent vivre dignement de leur travail par le paiement de "prix justes" et que le modèle de production agricole s'adapte aux attentes des consommateurs, c'est à dire une alimentation saine et durable. Un double impératif qui a posé beaucoup de questions tant du côté du monde économique que du monde associatif.
Mieux partager la valeur. Les agriculteurs étant focalisés sur la question des prix de leurs produits, vitale pour eux, les associations environnementales ou de consommateurs ont exprimé la peur de voir leurs préoccupations mises de côté. De plus, de nombreuses tentatives, y compris législatives, ont déjà eu lieu pour régler la question du "partage de la valeur" entre producteurs, coopératives, industriels de l'agroalimentaire et représentants de la distribution. Sans résultat. "Êtes-vous prêts à des prix en hausse et moins de marges ? C'est deux choses contradictoires", s'est exclamé mercredi Michel-Édouard Leclerc, président du groupement de supermarchés E. Leclerc et premier partisan des prix bas.
"Le contexte est favorable pour faire tomber les postures", et il "devrait nous permettre de concilier les points de vue", a jugé mardi le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot. "J'espère que d'ici septembre, concernant la répartition de la valeur (entre producteurs et intermédiaires, ndlr), le ministre (de l'Agriculture) aura pu, provisoirement, apaiser les choses, pour qu'après, on puisse avoir une conversation prolongée", a-t-il ajouté. Même son de cloche au ministère de l'Agriculture où "on a clairement l'impression que les acteurs ont conscience d'être arrivés au bout d'un modèle, d'une manière de faire et qu'il faut faire évoluer les pratiques". Producteurs et consommateurs "ont des intérêts communs, mais parfois ils l'ignorent", a ajouté mercredi le ministre Stéphane Travert au Sénat.
Une agriculture plus écologique. Pour Nicolas Hulot, "une demande sociétale d'alimentation de qualité, en bio notamment, n'est pas couverte par nos paysans". Si "les agriculteurs peuvent participer à la transition écologique, à la lutte contre le changement climatique... il faut qu'ils s'y retrouvent" en recevant un revenu pour toutes les tâches favorables à l'environnement, a-t-il ajouté. Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, principal syndicat agricole, assure de son côté que les sujets prix et qualité sont liés : "Plus vert, c'est plus cher", clame-t-elle. Elle propose un "double pacte économique et sociétal" aux consommateurs : "quelques centimes de plus pour rentabiliser et moderniser les exploitations et mieux répondre aux attentes qualitatives".
Plan de modernisation de cinq milliards d'euros. Toutes les propositions seront discutées lors des ateliers qui se tiendront jusqu'à la mi-novembre réunissant agriculteurs, industriels, distributeurs, ONG de l'environnement et du caritatif, associations de consommateurs, experts et élus. Un atelier transversal devra déterminer quels investissements seront nécessaires pour une meilleure performance environnementale, sanitaire, sociale et économique. Avec en ligne de mire la répartition des cinq milliards d'euros du plan de modernisation de l'agriculture promis durant la campagne. Répartition qui devrait aussi être férocement discutée.