François Hollande doit aimer se confier. Le président avait déjà reçu, à de multiples reprises, les journalistes Antonin André [chef du service politique d'Europe 1, ndlr] et Karim Rissouli, qui avaient tiré de ces échanges un ouvrage, Conversations privées avec le président. Un mois plus tard, c'est au tour des journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme d'apporter leur contribution, également issue d'entretiens privés avec le chef de l'État. Un président ne devrait pas dire ça continue d'esquisser le tableau de ce qu'aura été le quinquennat du président socialiste, marqué par les difficultés. Le livre est également l'occasion de creuser certains aspects de la personnalité de François Hollande, parfois méconnus, ou de distiller quelques révélations sur l'affaire Bygmalion.
Nicolas Sarkozy et "l'appât de l'argent"
Les deux hommes ont beau, lorsque les circonstances l'exigent, voyager dans le même avion, ils ne s'apprécient pas du tout. Quand il ne critique pas son physique, Nicolas Sarkozy reproche à François Hollande d'avoir été méprisant lors de la passation de pouvoir. Le président socialiste n'est pas en reste lorsqu'il s'agit de juger sévèrement son adversaire de 2012, comme en témoignent ses confidences à Gérard Davet et Fabrice Lhomme. "Ce qu'on ne voit pas chez lui, c'est qu'il ne fait pas le partage entre ce qui est possible et ce qui n'est pas possible, le légal et le non-légal, le décent et le non-décent", lâche ainsi François Hollande. "Pourquoi cette espèce d'appât de l'argent ? [...] Il s'entoure de gens d'argent. Pourquoi ? [...] L'argent est toujours l'argent ! C'est ça qui est étonnant."
L'actuel président raconte par exemple que la première fois que les deux hommes se sont retrouvés après la passation de pouvoir, en décembre 2013, Nicolas Sarkozy "commence à [lui] parler de l'argent qu'il gagne avec ses conférences". Selon lui, l'ancien président des Républicains est "cynique", fait preuve de "grossièreté" et tient une ligne politique de "la peur" et "la radicalisation verbale pour aller chercher les électeurs du Front national". Pour autant, François Hollande assure qu'il n'hésiterait pas à voter pour Nicolas Sarkozy si ce dernier se retrouvait face à Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. "J'irai, pour voter contre Le Pen. Il faut se rappeler, c'était déjà très dur pour moi d'appeler à voter Chirac en 2002 [mais] s'il fallait appeler à voter Sarkozy, on le ferait."
François Fillon voulait accélérer l'enquête sur Bygmalion
L'affaire Bygmalion empoisonne la campagne de Nicolas Sarkozy, dont le renvoi en correctionnelle a été requis par le parquet de Paris. Dans son propre camp, certains ne seraient d'ailleurs pas fâchés que le scandale le rattrape. Selon François Hollande en effet, l'ancien Premier ministre de l'ex-président, François Fillon, a lui-même tenté d'accélérer les procédures judiciaires contre Nicolas Sarkozy pour l'empêcher de revenir dans le jeu politique. "Il a dit à Jouyet [secrétaire général de l'Élysée] : 'mais comment ça se fait que vous ne poussiez pas la justice à en faire davantage ?'", raconte le chef de l'État. "C'était ça le message de Fillon, c'était : 'si vous ne faites rien, il reviendra'." François Hollande assure qu'il a refusé catégoriquement toute intervention.
" Fillon a dit à Jouyet : 'mais comment ça se fait que vous ne poussiez pas la justice à en faire davantage ?' "
Islam et immigration
Une petite phrase de François Hollande a mis le feu aux poudres, mardi. "La femme voilée d'aujourd'hui sera la Marianne de demain", a confié le président à Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Selon le chef de l'État en effet, "si on arrive à offrir [à une femme voilée] les conditions pour son épanouissement, elle se libérera de son voile et deviendra une Française, tout en étant religieuse si elle veut l'être, capable de porter un idéal". Le président considère que "ce n'est pas l'islam qui pose un problème dans le sens où ce serait une religion qui serait dangereuse en elle-même, mais parce qu'elle veut s'affirmer comme une religion dans la République".
Dans l'esprit du chef de l'État, "d'une certaine façon, si on arrive à lui offrir les conditions pour son épanouissement, elle se libérera de son voile et deviendra une Française, tout en étant religieuse si elle veut l'être, capable de porter un idéal". Selon lui, "ce n'est pas l'islam qui pose un problème dans le sens où ce serait une religion qui serait dangereuse en elle-même, mais parce qu'elle veut s'affirmer comme une religion dans la République". Gérard Davet et Fabrice Lhomme rapportent également avoir demandé à François Hollande, "de manière volontairement provocatrice", s'il trouvait qu'il y avait trop d'immigration en France. La réponse a été à la hauteur du ton de la question. "Je pense qu'il y a trop d'arrivées, d'immigration qui ne devrait pas être là."
" Je pense qu'il y a trop d'arrivées, d'immigration qui ne devrait pas être là. "
Les trahisons Cahuzac et Macron
Un président ne devrait pas dire ça s'attache à dépeindre le Hollande chef d'État, mais aussi l'homme. Et celui-ci se dit particulièrement blessé des trahisons dont il estime avoir été victime. Celles de Jérôme Cahuzac d'abord, d'Emmanuel Macron ensuite. "Je suis le spectre de l'Élysée", confie non sans humour noir François Hollande, qui raconte également manger régulièrement seul devant un plateau-repas.
Cette solitude se ressent aussi lorsque François Hollande parle de son mandat, et sa peur qu'il n'en reste rien. "J'aimerais que l'on dise de moi, puisque c'est la vérité, que j'ai été courageux", souffle-t-il, avant de reconnaître que "oui, c'est vrai", son quinquennat a été un calvaire.
Royal, Trierweiler et Gayet
Le président qui a toujours voulu être discret sur sa vie privée l'a vue étalée à la une des médias à partir de 2014. Cette fois, c'est de son plein gré qu'il en dit un peu plus sur les femmes de sa vie. Le livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme dévoile notamment le lien très fort qui l'unit encore à Ségolène Royal, "celle qui [le] connaît le mieux", "celle dont [il est] le plus proche". François Hollande s'épanche également sur la jalousie maladie de Valérie Trierweiler, qui s'est même invité à l'un des rendez-vous du chef de l'État avec les journalistes du Monde. Et leur a confié qu'elle était "raide dingue de lui".
Enfin, le président parle de sa relation actuelle avec Julie Gayet. Avec l'actrice, ils se voient "régulièrement, pas aussi souvent [qu'ils] le voudraient". Elle le pousserait à officialiser leur relation, alors que lui le refuse. "Elle souffre de cette situation, elle est demandeuse de le faire. Ça brûle."