Le programme d’Emmanuel Macron commence à prendre forme. Critiqué sur le flou qui règne autour de son projet, le leader d’En marche ! est passé à l’offensive en levant le voile sur une partie de ses propositions avec une interview au Figaro, jeudi, axée sur la justice et la sécurité. Un subtil équilibre entre des marqueurs de gauche et des positions plus populaires à droite, qu’il présente lors d’un déplacement dans le Vaucluse et dans le Var, vendredi et samedi. Objectif de ce déplacement : conquérir des voix dans les départements où le vote Front national est fort.
Des réponses sociales aux problèmes sécuritaires. Par certains aspects de son programme, le candidat à la présidentielle reprend certaines positions classiques du Parti socialiste, à commencer par l’analyse qu’il fait des problèmes rencontrés par les habitants de banlieues. "Il faut lutter contre l’inégalité des chances et des destins. Le cœur de la réponse de long-terme à ces quartiers est éducatif, économique et social", affirme-t-il, avant d’évoquer la division par deux du nombre d’élèves en CP et CE1 pour personnaliser l’enseignement. Il s’oppose par ailleurs à la suppression des allocations familiales pour les parents dont les enfants sont absentéistes, mesure prônée par certains responsables de droite.
Et le candidat de répondre à François Fillon, désireux d’abaisser la majorité pénale à 16 ans : "Ce n’est pas sérieux, (...) cette proposition est inefficace et inutile. Inefficace, car il ne faut pas abandonner l'ordonnance de 1945 : à 16 ans, on est toujours un être en devenir, et mettre en prison un jeune avec des hommes de 30 ans, c'est abandonner les quelques chances qu'il reste de le reconquérir. C'est aussi parfaitement inutile, puisque le juge peut déjà, quand les faits sont graves, abaisser la majorité pénale à 16 ans." Emmanuel Macron veut aussi rétablir, comme Benoît Hamon, une police de proximité, la sienne : il créerait une "police de sécurité quotidienne", qui pourrait par exemple "interdire à une personne de fréquenter la zone où elle commet des méfaits".
"Tolérance zéro" et fin de l’ère Taubira. Dans le même temps, Emmanuel Macron n’oublie pas de donner des gages à une partie de la droite. Oui, il souhaite une "tolérance zéro" à l’égard de la délinquance, vieille antienne de Nicolas Sarkozy. Emmanuel Macron se défend avant tout d’être laxiste : "une peine prononcée doit être une peine exécutée", lance-t-il en souhaitant revenir sur la loi pénitentiaire de 2009. Celle-ci permet notamment à des personnes condamnées à des peines égales ou inférieures à deux ans de bénéficier d’un aménagement de peine. Il s’agirait de la fin de la doctrine Taubira, que Benoît Hamon ne veut pas remettre en cause.
Emmanuel Macron se démarque aussi de Benoît Hamon sur le cannabis : si le candidat socialiste veut légaliser sa consommation, l’ancien ministre de l’Économie n’est pas favorable à la dépénalisation, qui "ne règle rien". Pour contrer le trafic de stupéfiants, il prône une amende immédiate d’environ 100 euros infligée à ces délinquants, au lieu de réponses judiciaires "tardives" et "théoriques". Enfin, il souhaite construire 15.000 places de prison sur le quinquennat. Emmanuel Macron veut convaincre en sortant du procès en laxisme et en angélisme fait traditionnellement à la gauche, tout en insistant sur la dimension économique et sociale de la lutte contre la délinquance.