Si ça n’est pas l’ébauche d’un programme présidentiel en matière de sécurité, ça y ressemble diablement. Mardi, dans Le Parisien, Nicolas Sarkozy énonce plusieurs propositions chocs pour endiguer ce qu’il qualifie d’un "affaiblissement de l’Etat et de son autorité", affaiblissement qu’il impute bien sûr à François Hollande et à son gouvernement. Endossant l’un de ses costumes préférés, celui de premier flic de France, celui qui fut un ministre de l’Intérieur bouillonnant avant d’être président de la République n’hésite pas à frapper fort.
"Libérer" les forces de l'ordre "de toutes les tâches secondaires". En l’espèce, le clivage idéologique entre la droite et la gauche est flagrant. Nicolas Sarkozy propose tout bonnement de privatiser certaines missions pour l’heure réservés aux forces de l’ordre, une vision qui ne manquera pas d’être fortement contestée. "Il faut concentrer le travail de la police et de la gendarmerie sur l'ordre public, le renseignement, l'investigation. Et la libérer de toutes les tâches secondaires ou périphériques", affirme le président des Républicains. Exemple ? La surveillance d’un certain nombre de bâtiments publics pourrait très bien être transférée à des sociétés privées assermentées. Exemple encore ? "Quand vous achetez un ticket de train à la SNCF ou à la RATP, c’est à eux d’assurer votre sécurité".
Dernière proposition, qui devrait également beaucoup faire parler : "Je souhaite que les concessionnaires d’autoroute aient la charge de la sécurité", annonce Nicolas Sarkozy. "Je ne vois pas pourquoi cela doit être exclusivement un motard de la gendarmerie ou de la police qui doit faire les contrôles de vitesse, sur un axe d'autoroute concédé par l'Etat", précise l’ancien président, qui souhaite donc que les sociétés d’autoroute constatent les infractions et verbalisent, le tout à leurs frais, et si besoin "de transmettre ces constats à l'autorité de police, administrative ou pénale". Le tout aux frais des concessionnaires.
Muscler l’arsenal répressif. Là encore, la différence de philosophie avec la politique de sécurité est criante, et c’est sans doute le but. "Nous proposons de tourner le dos à une politique pénale laxiste en faisant de l’exécution des peines la priorité des pouvoirs publics", affirme Nicolas Sarkozy. Dans son viseur bien sûr, Christiane Taubira, la ministre de la Justice, qui a fait de l’aménagement des peines l’un des axes de sa politique. "Il y a un domaine dans lequel (elle) tient ses promesses : le nombre de détenus a diminué en France depuis trois ans. Les délits augmentent et le nombre de gens en prison diminue, qui peut l'accepter ?" s’interroge-t-il.
L’ex-président propose alors pêle-mêle de rétablir en les renforçant les peines plancher ou de supprimer les remises de peine automatiques et les mesures d’aménagement pour les peines supérieures à six mois. "Ma détermination est simple : toute peine prononcée doit être exécutée". Et pour ce faire, le président des Républicains souhaite "continuer l’effort pour passer à 80.000 places" de prison.
Au sujet des quartiers difficiles, Nicolas Sarkozy préconise "que les trafiquants de drogue qui auront réellement effectué leurs peines de prison soient interdits de séjour à leur sortie de prison dans le quartier où ils ont commis leurs méfaits". Il propose aussi la mise en place de "vigies de police" dans "les quartiers les plus difficiles". Une sorte de police de proximité en somme, un dispositif que l’ancien ministre de l’Intérieur avait supprimé lors de son arrivée place Beauvau en 2003.
Frapper plus fort les djihadistes. Enfin, Nicolas Sarkozy souhaite durcir le traitement réservé aux djihadistes partis faire la guerre en Irak ou en Syrie. "Tout étranger ou binational qui a fait le djihad ne doit pas revenir en France. Et tout Français parti faire le djihad doit, quand il revient, aller en prison", lance-t-il. Une mesure d’automaticité difficile à mettre en place au terme de la loi actuelle. "Au-delà de cela, la simple consultation des sites djihadistes doit devenir un délit", propose enfin l’ancien président.
Nicolas Sarkozy s'est exprimé à la mi-journée, à l'issue d'une convention de son parti, Les Républicains, sur la sécurité. Une convention d'ailleurs boudée par les candidats déclarée à la primaire, comme François Fillon, Bruno Le Maire, Xavier Bertrand et Alain Juppé. L'ancien président de la République a répété peu ou prou ses propositions, insistant tout de même sur la vigie policière de nuit dans les quartiers difficiles. "Ce n'est pas la peine nous faire le coup de la police de proximité avec des policiers qui défilent, qui font des patrouilles entre 8 heures du matin et midi, qui disent bonjour à la crémière et qui vont faire un tour au marché", a affirmé l'ancien chef de l'Etat. "Parce qu'à cette heure-là, les clients de la police et de la gendarmerie, ils ne sont pas réveillés."