"Pénélope travaillait sur mon implantation locale" : à son procès en appel à Paris pour des soupçons d'emplois fictifs de son épouse, l'ancien Premier ministre François Fillon a défendu lundi le caractère "essentiel" des missions exercées par sa femme dans la Sarthe. L'ancien chef de gouvernement, 67 ans, costume bleu foncé et chemise blanche, a commencé à répondre d'une voix posée aux questions de la cour en début d'après-midi, ponctuant ses propos de gestes au-dessus de la barre, sur laquelle il a posé des notes. Le 29 juin 2020, l'ancien locataire de Matignon avait été condamné à cinq ans d'emprisonnement dont deux fermes et 375.000 euros d'amende.
Son épouse s'était vu infliger trois ans de prison avec sursis et 375.000 euros d'amende, son suppléant Marc Joulaud trois ans avec sursis et 20.000 euros d'amende avec sursis. "Le rôle principal que j'avais confié à mon épouse, c'est d'être présente sur le terrain", de "créer ce lien personnel, ce lien de confiance" avec les habitants, répète lundi François Fillon. "C'est un travail permanent de maillage de la circonscription (...) qui, exercé pendant une longue période, est irremplaçable." Le remplacer aux repas des anciens, recevoir des habitants chez eux, trier le courrier et y détecter des "revendications" ou des "broncas"...
Des activités "indispensables" selon François Fillon
Autant d'activités que réalisait Penelope Fillon, a fait valoir son époux, qui peuvent sembler éloignées des enjeux nationaux, mais sont "indispensables" car "ça vous donne votre légitimité" auprès des électeurs. "Penelope apportait sa connaissance des situations personnelles, individuelles", a soutenu François Fillon, qui a aussi assuré qu'elle relisait "tous (ses) discours importants". "Combien de fois elle m'a fait modifier un point de vue parce qu'il était trop technocratique, trop éloigné des réalités, trop pessimiste ?" Le président de la cour relève que très peu de personnes savaient qu'elle était son assistante parlementaire et souligne au détour d'une question la "forte tonalité immatérielle" de cette "collaboration".
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"Le fait que ce soit mon épouse qui me représente, c'est mieux que ça soit ma collaboratrice", répond François Fillon, qui reconnaît : "on aurait pu s'y prendre autrement". Succédant à son épouse, qui a maintenu la semaine dernière avoir réalisé un réel travail auprès de son mari, il a rappelé que la pratique d'embaucher son conjoint était à l'époque courante à l'Assemblée nationale, "aussi parce que le conjoint incarne la présence du parlementaire sur le terrain, que n'incarne pas un autre collaborateur".
Rejugé jusqu'au 30 novembre
L'ex-candidat de droite à la présidentielle de 2017, dont la campagne avait été marquée par l'explosion du "Penelope Gate", a aussi critiqué une enquête qui "n'aurait jamais dû avoir lieu" dans ce "contexte". Le "climat de passion exacerbée d'une campagne présidentielle influe sur les témoignages", qui sont chargés "d'arrières-pensées, qu'ils soient positifs ou négatifs", a-t-il argué.
Aujourd'hui retraité, l'ex-ministre et sénateur est rejugé jusqu'au 30 novembre aux côtés de sa femme et de son ancien suppléant pour des soupçons d'emplois "fictifs ou surévalués" de Penelope Fillon comme assistante parlementaire entre 1998 et 2013, rémunérés au total 612.000 euros nets. Les époux Fillon doivent aussi s'expliquer sur l'embauche de deux de leurs enfants en tant que collaborateur de leur père sénateur entre 2005 et 2007, ainsi que sur le contrat de Penelope Fillon comme "conseillère littéraire", en 2012 et 2013, à la Revue des deux mondes. François Fillon est enfin poursuivi pour avoir omis de déclarer un prêt de 50.000 euros en 2012 à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).