Le rassemblement est à peine fait que, déjà, les deux partis jouent des muscles. Alors que l’UDI, qui soutenait très largement Alain Juppé dans la primaire de novembre, continue d’émettre des réserves sur un programme que François Fillon, le candidat désigné, refuse d’amender, ce sont désormais les négociations autour des prochaines législatives qui alimentent les tensions. En effet, les centristes entendent peser face à l’éventuelle future majorité que les Républicains pourraient décrocher à l’Assemblée nationale en juin prochain, et réclament en conséquence un accord sur un certain nombre de circonscriptions susceptibles de basculer à droite.
Bataille autour du nombre possible de députés UDI
"On est dans une discussion qui vise les sièges gagnables", reconnaît auprès d’Europe 1 Jean-Christophe Lagarde, le président de l’UDI. Si les deux partis s’entendent sur le nombre de candidats que souhaitent présenter les centristes - entre 115 et 120 sur 577 circonscriptions – ils n’ont pas encore trouvé d’accord sur le nombre de députés susceptibles d’être élus. "Si on tend vers l’hypothèse d’une majorité de 250 à 350 sièges, on en veut entre 90 et 100", indique le député-maire de Drancy. Le groupe UDI comptant actuellement 27 députés, ce sont donc entre soixante et soixante-dix sièges gagnables supplémentaires que réclame le parti, quand Les Républicains souhaiteraient leur laisser une vingtaine de circonscriptions en plus de celles déjà occupées.
"Il est tout à fait normal que le groupe UDI soit un soutien du parti présidentiel, néanmoins, nous devons assurer à François Fillon une majorité forte", explique Jean-François Lamour, président de la commission nationale d’investiture des Républicains. "Ce que François Hollande est en train de vivre tient beaucoup à la faiblesse de sa majorité et aux frondeurs", cite-t-il en exemple. Surtout, ce filloniste veut relativiser le nombre de circonscriptions que sa famille pourrait concéder, et qu'il estime suffisant : "Dans l’hypothèse d’un carton plein, nous augmentons d'environ 50 % notre nombre de députés, et nous proposons de doubler le groupe UDI par rapport à l’actuelle législature".
Chaque parti campant sur ses positions, les tractations ont fini par tourner court la semaine dernière. "Les délégations de négociation ont été suspendues. Les Républicains parlaient de 50 sièges au total, ce n’était même pas une base de départ envisageable", rapporte Jean-Christophe Lagarde qui évoque également le problème d’une petite poignée de circonscriptions que Les Républicains étaient prêts à céder à condition de sélectionner eux même les candidats UDI. "Hors de question, nous n’avons pas la prétention de choisir les leurs", martèle Jean-Christophe Lagarde. Ce dernier, qui a rencontré François Fillon pendant plus d’une heure mardi, espère que les partis se remettent autour de la table, possiblement à la fin de la semaine, et tombent d’accord. "Nous avons près de 300 candidats investis depuis juillet. S’il n’y a pas d’accord avec les Républicains, ils continueront leur campagne", avertit-t-il.
C’est ainsi que dans plusieurs circonscriptions socialistes, des candidats investis par l’UDI et LR se retrouvent aujourd’hui sur la même ligne de départ. "C'est de la responsabilité de François Fillon de dire s'il souhaite élargir son programme pour en faire un projet pour la France et donc d’élargir son équipe ou s'il ne le modifie pas, et donc qu'il ne modifie pas ses équipes", a fait valoir auprès de Lyon capital Christophe Geourgon, président de la fédération UDI Métropole de Lyon, et candidat face à la conseillère municipale LR Laurence Balas dans la deuxième circonscription du Rhône, un département où au moins six candidats UDI sont en lice face à des Républicains.
Une "radicalité" qui continue de poser problème
Car derrière les bisbilles autour des investitures, transparaissent également les tensions suscitées par le programme que porte François Fillon, et toujours jugé trop radical par des centristes qui, en novembre dernier, lui avait préféré le discours plus modéré d’Alain Juppé. Quelques heures après la victoire du Sarthois, Jean-Christophe Lagarde avait indiqué dans un communiqué vouloir entamer "une discussion pour élaborer un projet législatif commun". "L’objectif d’un candidat à la présidentielle n’est pas de faire vivre un esprit partisan mais de créer le rassemblement", souligne encore le chef de l'UDI auprès d’Europe 1.
Mardi, les deux hommes ont consacré une très large partie de leur entrevue à l’épineuse question du programme. "Aujourd’hui les désaccords sont encore trop nombreux pour trouver un terrain d’entente", déplore Jean-Christophe Lagarde qui note cependant que l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy se montre moins inflexible en privé que lors de ses vœux à la presse, la semaine dernière, où il avait notamment refusé tout "zigzags" avec ses convictions. "Ce qu’il veut dire, c’est qu’il ne changera pas de cap, nuance Jean-Christophe Lagarde, mais sur l’environnement et la Sécurité sociale, on est en train de travailler ensemble", assure-t-il.