La France va réévaluer ses dépenses militaires, entrant dans une "économie de guerre" à l'aune de l'invasion russe de l'Ukraine, a affirmé lundi le président Emmanuel Macron, qui a renouvelé son appel à construire une industrie européenne de défense "beaucoup plus forte". L'ouverture du salon Eurosatory, plus grand salon international de défense et de sécurité terrestres à Villepinte, au nord-est de Paris, a été l'occasion pour le président français de "tirer les conséquences" du bouleversement géopolitique provoqué par la guerre en Ukraine.
"Entrée dans une économie de guerre"
Parmi ces conséquences, celle "d'une entrée dans une économie de guerre dans laquelle nous allons durablement devoir nous organiser" et "dans laquelle on ne peut plus vivre avec la grammaire d'il y a un an", a-t-il estimé. Alors que de nombreux pays européens, inquiets pour leur sécurité, ont annoncé l'augmentation de leur budget de défense, la France va elle aussi passer en revue ses besoins mis en lumière par le conflit.
Le président français souhaite donc une "réévaluation" de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 pour "ajuster les moyens aux menaces". "J'ai demandé au ministre et au chef d'état-major des Armées de pouvoir mener dans les semaines qui viennent une réévaluation de cette Loi de programmation militaire à l'aune du contexte géopolitique", a-t-il affirmé.
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Paris a amorcé en 2017 une nette remontée en puissance des crédits défense après des années de disette. Le budget du ministère des Armées va de nouveau croître en 2022, à 40,9 milliards d'euros, conformément à la LPM 2019-2025 qui prévoit d'atteindre 50 milliards d'euros en 2025. "Nous n'avons pas attendu les changements stratégiques pour réinvestir", a rappelé lundi le chef de l'État, mais la montée des menaces, illustrée par le conflit qui fait rage en Ukraine depuis le 24 février, fait peser une "exigence supplémentaire pour aller plus vite, plus fort, au moindre coût". Le président n'a toutefois pas précisé s'il comptait augmenter davantage que prévu le budget de défense ou s'il s'agissait de revoir les priorités.
"Préférence européenne"
Le conflit en Ukraine a notamment mis en lumière des faiblesses de la France, qui se veut avoir un "modèle d'armée complet" mais échantillonaire, particulièrement criant en ce qui concerne les stocks de munitions ou la défense sol-air. Pour pouvoir préparer une remontée en puissance et mobiliser plus rapidement une industrie d'armement dont la capacité de production est taillée pour les besoins limités des 30 dernières années, la Direction générale de l'armement (DGA) envisage de proposer un texte législatif qui permettrait de réquisitionner, dans certaines circonstances, des matériaux ou des entreprises civiles à des fins militaires, a-t-on appris auprès du ministère, confirmant une information du quotidien Le Monde.
La plupart des entreprises de défense étant "duales", c'est-à-dire produisant également pour les besoins civils, ce texte, inspiré d'une législation américaine, leur permettrait de mobiliser leurs efforts vers la production militaire, sans que la France soit formellement en état de guerre. Le renforcement des capacités de défense passe également par davantage de coopération européenne, appelée de ses vœux par Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir en 2017.
"Ne repartons pas de l'avant pour reproduire les erreurs du passé, dépenser beaucoup pour acheter ailleurs n'est pas une bonne idée", a-t-il lancé, alors que l'Allemagne, qui vient de se doter d'un budget spécial de 100 milliards d'euros pour son armée, a décidé de consacrer ses premiers achats à des chasseurs F-35 et hélicoptères lourds Chinook américains. Selon lui, "l'heure est à la mise en place d'une préférence européenne".
"Nous avons besoin de renforcer une industrie et une base industrielle et technologique de défense européenne beaucoup plus forte et beaucoup plus exigeante, sinon nous construirons les dépendances de demain", a-t-il martelé. Nombre des coopérations de programmes d'armements en cours en Europe peinent à avancer, à commencer par les projets de futur avion (Scaf) et char de combat (MGCS) menés par la France et l'Allemagne. Malgré un budget cumulé bien inférieur à celui des États-Unis, les pays européens disposent de bien plus de modèles de chars, de frégates ou d'armements divers, renchérissant leur prix.