Pour mener la bataille de la reconstruction de Notre-Dame de Paris, le président de la République a fait appel au général Jean-Louis Georgelin. Une décision qui est loin de réjouir les services du ministère de la Culture, à l’heure ou la suppression annoncée de l’ENA jette déjà une forme de disgrâce sur les haut-fonctionnaires.
"Un homme de culture et de foi"
Dès le lendemain de l’incendie qui a ravagé la toiture et une partie de la voûte de la cathédrale, l’amiral Bernard Rogel, chef d’état-major particulier du président de la République, téléphone à l’ancien chef d’état-major des armées, le général Jean-Louis Georgelin. Les deux hommes se connaissent ; Rogel a servi sous les ordres de Georgelin, qui a connu trois présidents : Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande.
L’ancien chef d’état-major se retrouve alors dans le bureau d’Emmanuel Macron qu’il n’a encore jamais rencontré, et qu’il a déjà fortement critiqué. Lorsque le président avait déclaré aux militaires, le 13 juillet 2017, "je suis votre chef", Jean-Louis Georgelin avait déclaré : "C’est une faute de commandement". De quoi planter le décor d’une première discussion. "Oublions tout cela", lui a dit d’emblée le président Macron, mardi dernier. "Vous connaissez le fonctionnement de l’Etat au plus haut niveau, vous êtes un homme de culture et de foi. Je vous demande d’être mon représentant spécial pour la reconstruction de la cathédrale." Une mission aussitôt acceptée par le militaire.
La chasse gardée du président de la République
Le général aura à coordonner tous les acteurs intervenant sur Notre-Dame, et n’en référer directement qu’au président de la République. Il aura d’ailleurs un bureau à l’Élysée, ce qui montre que l’incendie de la cathédrale est devenu un événement politique et le domaine réservé du chef de l'Etat.
La bataille de l’efficacité promet toutefois d’être ardue car les intervenants sont très nombreux. L’enjeu majeur est de tenir le délai d'une reconstruction en cinq ans, auquel s'est engagé le président de la République. Premier obstacle à gérer : le concours d’architectes lancé pour rebâtir la flèche, et qui ne devrait pas faire gagner du temps.
Vers une bataille administrative
Le général Georgelin, promu illico chef d’état-major des soldats de Notre-Dame, a présenté devant le gouvernement son plan d’action comme une opération commando. Si les échelons administratifs ont entendu le message, il n’a pas vraiment été reçu cinq sur cinq. Les services de la Culture ne supportent pas de voir cette autorité militaire leur ravir le contrôle sur le projet. Les offices gérant les chantiers du patrimoine restent médusés par la nomination du général Georgelin. En ces temps où il est question de voir les hauts fonctionnaires mis au pas, le symbole est pour le moins parlant.
Le général Georgelin, avec sa voix de stentor, reste pour l’heure muet. Son caractère rugueux, habitué des terrains sensibles et minés, devra aussi faire appel à son sens de la diplomatie tout autant qu’à son savoir-faire stratégique, pour ménager les différentes équipes chargées de superviser la reconstruction de l’édifice, soit autant de troupes civiles formées à la guérilla administrative.