Les nationalistes Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni organisent samedi une manifestation populaire pour mettre la pression sur le gouvernement. Qui semble prêt à faire un pas vers eux.
Les termes étaient prudents et mesurés. "Ce n'est pas une manifestation contre le gouvernement, c'est une manifestation de mobilisation", a assuré Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de la collectivité unique de Corse, vendredi sur France 2, à propos du rassemblement organisé samedi à Ajaccio. Le nationaliste a certifié avoir imaginé ce défilé, qui se veut populaire et pacifique, "dans une logique d'espoir, dans une dynamique de changement profonde qui porte l'ensemble de la société corse". "Nous ne sommes pas aujourd'hui dans une logique de bras de fer ou une logique de tension", a-t-il encore déclaré. "Nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation de blocage ou de crise politique."
La tempête… Le discours était ainsi bien plus apaisé que la semaine dernière. Après avoir rencontré le Premier ministre, Edouard Philippe, et le président du Sénat, Gérard Larcher, Gilles Simeoni et le président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, avaient en effet eu des mots très durs. "On est en train de nous demander d'aller à l'abattoir et de renoncer à tout ce qui fait le fondement même de notre engagement", vitupérait-il au micro de Public Sénat. "Cette discussion n'en est pas une." Les deux nationalistes étaient apparus furieux et un vent glacé avait soufflé sur leurs relations avec l'exécutif, entraînant l'annonce de la manifestation de samedi.
" Il faut saisir la main tendue par Simeoni. Il faut examiner ce que peut vouloir dire l'autonomie dans la République. "
Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni s'étaient notamment heurtés à une fin de non-recevoir de Gérard Larcher. S'estimant "garant de l'unité nationale", le président du Sénat avait, dans un communiqué, "réaffirmé son opposition au statut de résident [qui obligerait à résider cinq ans sur l'île avant de pouvoir y acheter un bien immobilier] et à la co-officialité de la langue corse", deux revendications nationalistes.
…avant le calme. Si les choses se sont quelque peu calmées depuis, c'est que la majorité a pris soin de distiller quelques signes de bonne volonté. C'est d'abord Richard Ferrand, président du groupe LREM à l'Assemblée, qui a déclaré sur CNews qu'il fallait "saisir la main tendue par le président Simeoni". "Il faut prendre conscience que la Corse a retrouvé la paix, qu'il y a une aspiration au développement économique de la Corse et que ce qui est demandé, c'est une capacité d'action plus large dans la République", a-t-il déclaré. "Il faut examiner ce que peut vouloir dire l'autonomie dans la République." Autrement dit : toutes les revendications corses ne sont pas à jeter, notamment d'un point de vue économique, et l'île de Beauté pourrait bien obtenir plus de prérogatives dans ce domaine-là.
Modification de la Constitution.Mercredi, sur France 2, François de Rugy est allé encore plus loin. Le président de l'Assemblée nationale a estimé qu'il fallait "reconnaître la spécificité de la Corse, une île avec une identité forte, qui a une langue encore parlée par beaucoup de monde". Surtout, l'ancien écologiste passé à LREM n'a pas balayé l'option d'une modification de la Constitution. "Dans notre Constitution, je crois qu'il est bon qu'on reconnaisse cette diversité des territoires français, […] y compris en ayant des autonomies plus fortes pour nos régions en général et pour la Corse en particulier", a-t-il complété.
Macron très attendu. Ces déclarations encourageantes pour les nationalistes s'ajoutent à celles d'Emmanuel Macron, qui avait évoqué en avril dernier le "droit à la différenciation" et promis de donner une place aux "spécificités corses" lors d'un discours à Furiani. Des principes rappelés une nouvelle fois par la ministre Jacqueline Gourault lorsque celle-ci s'était rendue en Corse début janvier. À ce moment-là, les nationalistes avaient d'ailleurs salué un échange "constructif".
Ces derniers espèrent donc pouvoir dire la même chose de la venue d'Emmanuel Macron lui-même sur l'île de Beauté, mardi et mercredi prochain. "Nous attendons beaucoup de la venue du président de la République", a rappelé Gilles Simeoni vendredi.
Une participation à minima ?
Difficile d'anticiper la participation à la manifestation de samedi, à Ajaccio. Si les organisateurs ont bien évidemment tout fait pour acheminer le plus de monde possible, notamment en affrétant des cars au départ de Bastia, Porto-Vecchio ou Calvi, le cortège ne fait pas l'unanimité au sein de la classe politique. À droite, ni la présidente du groupe associé à LR, Valérie Bozzi, ni le chef de file de la droite régionaliste, Jean-Martin Mondoloni, ne participeront. Jean-Charles Orsucci, le maire LREM de Bonifacio, a lui aussi passé son tour.