L’usine Whirlpool d’Amiens est devenue mercredi le théâtre symbolique de l’affrontement entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Tour à tour, les deux finalistes de l’élection présidentielle se sont rendus, plus ou moins à l’improviste, sur le site menacé de fermeture après l’annonce par la maison-mère américaine d’une délocalisation en Pologne à l’horizon de juin 2018. Les près de 600 salariés - entre CDI, intérimaires et sous-traitants - ont apprécié ce coup de projecteur médiatique. Si cette double visite ne devrait pas entièrement chambouler leur avenir, la fermeture semblant inéluctable, elle pourrait en revanche avoir des effets sur le plan social et sur la recherche d’un repreneur, selon les syndicats.
Fermeture : la messe est dite, selon les syndicats
Des deux candidats, seule Marine Le Pen s’est risquée à promettre qu’elle empêcherait la fermeture de l’usine. "Elle ne fermera pas, (...) j'en prends l'engagement ferme", a lancé la candidate du FN face aux salariés. "Parce que je mènerai un bras de fer avec le groupe pour le dissuader de fermer. Si le groupe persiste à vouloir partir, l'Etat mettra toute son énergie, sous ma supervision directe, à trouver des repreneurs industriels sérieux et qui s'engagent à préserver les emplois", a-t-elle poursuivi. Emmanuel Macron a été plus réaliste. Et plus cash. "Interdire à une entreprise de fermer un site qu’elle a décidé de fermer, c’est quelque chose qui n’est pas possible", a admis le candidat face aux salariés.
Les syndicalistes refusent en tout cas de se laisser bercer par de belles paroles. "Mais c’est trop tard pour nous. Whirlpool Amiens, c’est mort. Que ce soit l’un ou l’autre qui est élu, ça ne changera rien pour nous. En juin 2018, on fermera", estimait mercredi dans Le Parisien François Gorlia, de la CGT Whirlpool. Même scepticisme du côté de la CFDT. "C'est terminé. À dix mois de la fermeture, c'est une certitude : ça partira en Pologne. On sait pertinemment que là-dessus, c’est rapé", a affirmé Patrice Sinoquet, délégué du syndicat, jeudi matin sur France Info. "Je sais qu'aujourd'hui Marine Le Pen ne fera pas de miracle pour notre site", a encore déclaré celui qui admet pourtant avoir voté pour la candidate frontiste. Un aveu qui lui vaut désormais une menace d’exclusion de la part de la CFDT.
Pour les syndicats, cette visite des deux candidats est tout simplement arrivée trop tard. "Cela fait des mois qu’ils savent qu’il y a un problème Whirlpool et ils se réveillent au dernier moment, à dix jours du second tour. On n’est pas stupides, c’est de la récupération politique", peste François Gorlia. "Il y avait peut-être quelque chose à faire, mais il aurait fallu le faire deux, trois mois avant, voire cinq ans", abonde Patrice Sinoquet.
Du mieux pour le Plan de sauvegarde de l’emploi ?
Si les salariés ne se font plus d’illusions sur l’avenir du site, ils comptent bien capitaliser sur la médiatisation de mercredi pour faire entendre leurs revendications. "Ça nous fait énormément du bien médiatiquement", assurait ainsi Patrice Sinoquet sur Franceinfo. "J’espère que ça mettra un bon coup de pression à notre direction, à notre multinationale qui plieront sur le PSE (Plan de sauvegarde de l’emploi, ndlr) et évidemment ce qui a été demandé sur la supra-légale." En clair, les syndicats se sentent désormais en position de force pour demander des indemnités au-delà de ce que prévoit la loi.
Jeudi toutefois, ça n’en prenait pas le chemin. "La direction vient de nous informer qu’elle déciderait de manière unilatérale, en usant son droit de le faire en tant qu’employeur", explique à europe1.fr Cécile Delpirou, déléguée CFR-CGC chez Whirlpool Amiens. "Donc là on est tous sur le pont. Et c’est chaud, chaud…", insiste-t-elle. Au contraire de ce qu’espéraient les syndicats, la direction de l’usine, menée par le Portugais Carlos Ramos, débarqué début janvier, trois semaines seulement avant l’annonce de la délocalisation, semble donc avoir radicalisé ses positions en rompant les négociations.
Une garantie de suivi pour l’avenir
La tension reste donc très vive, mais une chose est sûre : la direction est bel et bien sous pression. Car le président élu, quel qu’il soit, aura forcément le souci de suivre ce dossier très chaud. "A quoi je peux m'engager de manière raisonnable et équitable. Il n'y aura aucune homologation de PSE pas à la hauteur", a ainsi promis Emmanuel Macron.
Et désormais, une solution passe aussi par un possible repreneur. Deux candidats seraient sur les rangs. Mais les salariés attendent de voir. "Pour l’instant, ce sont des repreneurs fantômes. On reste méfiant là-dessus", assure Patrice Sinoquet. Le dossier Whirlpool ne fait que commencer. Et il sera sans doute très rapidement au menu du vainqueur de l’élection présidentielle.