Marnes-la-Coquette, commune très huppée du Sud de Paris, a la particularité de se situer à la lisière des Hauts-de-Seine et des Yvelines. Ce n’est donc pas un hasard si elle sera, mardi soir, le théâtre, dans le très chic haras de Jardy, d’une cérémonie de voeux commune organisé par les présidents de ces deux conseils départementaux. Patrick Devedjian (Hauts-de-Seine) et Pierre Bédier (Yvelines), tous deux membres des Républicains, franchiront là un pas de plus vers un projet qu’ils caressent depuis maintenant plusieurs semaines : la fusion de leurs deux territoires. "C’est un processus progressif que nous engageons, et dont le terme est la fusion d’ici deux ans", explique Patrick Devedjian au Parisien. Un tel regroupement, s’il aboutissait, serait une première en France.
- Un double objectif
La fusion Yvelines-Hauts-de-Seine a pour but premier, à en croire ses chantres, de réaliser des économies. Mais l’idée est évidemment aussi politique. "L’objectif est non seulement de faire des économies, mais aussi d’avoir une plus grande efficience dans tous les domaines", poursuit Patrick Devedjian, qui évoque ainsi 10% de baisse de fonctionnement. La nouvelle structure aura plus de moyens pour financer de nouvelles infrastructures et attirer des entreprises, jurent ses défenseurs. Voilà pour l’économie.
Et la politique ? "Rationaliser les dépenses de fonctionnement pour supporter le choc des coupes budgétaires drastiques imposées par le gouvernement socialiste", explique Pierre Bédier. Nous y voilà. Car le but est aussi de s’opposer au pouvoir socialiste, national ou local. "Paris fait des fêtes, des pistes cyclables et plante des arbres", persifle le président du conseil départemental des Yvelines. "Elle n’est plus la locomotive qu’elle devrait être. Notre ambition à nous, c’est la croissance économique et l’intérêt général." Anne Hidalgo, maire PS de la capitale, appréciera la saillie à sa juste valeur.
- Un mouvement d’ampleur ?
La fusion, désormais probable, des Hauts-de-Seine et des Yvelines, s’inscrit dans un mouvement plus large, touchant l’ensemble des collectivités territoriales. Le nombre des régions métropolitaines est ainsi passé de 22 à 13, avec plusieurs regroupements à la clé. Les communes sont également concernées. Europe 1 annonçait ainsi que 921 d’entre elles fusionneraient sous peu pour en créer 257 nouvelles. Conséquence symbolique, le nombre de communes français passera sous la barre des 36.000 (35.994 exactement).
Concernant les départements, un seul mariage avait jusqu’alors été envisagé, celui du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, mais les habitants de ce dernier département l’avaient rejeté par référendum organisé en avril 2013. La fusion entre Yvelines et Hauts-de-Seine pourrait donc être la première du genre, mais pas la dernière. D’autres super-départements sont en effet envisagés. Jean-Pierre Raffarin plaide ainsi depuis plusieurs années pour le regroupement de la Vienne et des Deux-Sèvres dans un grand département du Poitou. Et en Alsace, la réunion des deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin n’est pas abandonnée, ainsi que le laissait penser Eric Straumann, président du Conseil départemental du Haut-Rhin sur France Bleu Alsace en novembre 2015. D’autres pourraient suivre. Aidées en cela par un assouplissement de la loi.
- Une fusion de départements, comment ça marche ?
Le regroupement entre deux départements est rendu possible par une loi du 16 décembre 2010 "de réforme des collectivités territoriales", modifiée, et largement assouplie, par une loi du 16 janvier 2015. Ces deux textes édictent que la question peut être inscrite à l’ordre du jour des conseils départementaux à "l’initiative d’au moins 10% de ses membres", et doit concerner des départements "formant un territoire d’un seul tenant". Rien d’insurmontable.
En revanche, le recours à un référendum local, prévu par la loi de 2010, et qui avait abouti au rejet de la fusion du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, a été retiré par la loi de janvier 2015. Désormais, sont seulement nécessaires des "délibérations concordantes de leurs conseils départementaux, adoptées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés". En clair, trois cinquièmes des conseillers départementaux de chaque assemblée doit donner son accord. Ce qui, pour le coup, est bien plus facile à obtenir que l’adhésion d’une majorité dans les populations concernées. Passé cet obstacle, le regroupement doit être validé par un décret du Conseil d’Etat.
En l’occurrence, pour les Yvelines et les Hauts-de-Seine, l’affaire, en la matière, semble entendue. Dans le premier département, les 42 élus sont tous de droite. Dans le second, seuls huit, sur 46, sur de gauche. L’opposition aura beau s’époumoner et appeler à la consultation des citoyens, rien ne semble en mesure d’arrêter le processus.