Trouver un médecin généraliste à Paris en secteur 1 deviendra-t-il bientôt mission impossible? Aujourd'hui, payer sa consultation 23 euros chez son médecin parisien semble normal mais dans les années qui viennent, cette situation pourrait bien devenir l'exception.
Les chiffres sont déjà très inquiétants. En janvier, une étude publiée par le Parisien révélait que le nombre de praticiens généralistes avait chuté à Paris de 11,2 médecins en moyenne pour 10.000 habitants. Un chiffre certes supérieur à la moyenne nationale qui est de 9,7 médecins pour 10.000 habitants. Pourtant, dans les 13e, 18e, 19e et 20e arrondissements, le taux de médecins généralistes est inférieur à la moyenne nationale. Le Conseil National de l’Ordre des Médecins a lui enfoncé le clou en juin dernier : la capitale a perdu de 2007 à 2014 21% de ses médecins généralistes, c’est la plus forte baisse, toute région confondue. Autre motif d'inquiétude : cette année, il n’y a eu qu’une seule création de cabinet médical sur Paris. Une situation qui a conduit la mairie de Paris à réagir et à proposer fin octobre un plan pour endiguer le phénomène. Mais de quoi parle-t-on exactement ?
Le secteur 1 en première ligne. Les médecins les plus concernés sont ceux en secteur 1, ceux qui appliquent le tarif conventionnel de 23 euros la consultation. Leur taux est préoccupant : seuls 58% des médecins généralistes parisiens sont inscrits en secteur 1 contre 88% en moyenne nationale.
Des loyers trop élevés. Première difficulté : les loyers et les charges sont bien trop élevés dans la capitale pour inciter les jeunes médecins à ouvrir un cabinet. Gérard Lyon, 65 ans, médecin généraliste dans le 17ème explique : “nous n’avons plus les moyens de payer les loyers. Dans le 17ème, le prix à l’achat est passé à 10.000 euros le mètre carré !”
David Azerad, 33 ans, est médecin remplaçant à Paris et en banlieue. Cela fait plusieurs années qu’il cherche à ouvrir avec d’autres médecins un cabinet dans la capitale. Le jeune généraliste confirme que le principal frein reste le loyer : “un loyer en zone rurale et un loyer à Paris, ce n’est pas la même chose”.
Contacté par Europe 1, Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF), en appelle aux collectivités locales : “les déserts médicaux se trouvent aussi au coeur des grandes villes, cela fait des années que je le dis. Il faut qu’il y ait des mécanismes d’accompagnement des collectivités locales, elles doivent prendre leur responsabilité sur les locaux”.
Mise aux normes des cabinets. Autre problème : la mise aux normes des cabinets médicaux. Bon nombre de cabinets parisiens ne sont plus aux normes, notamment pour l'accessibilité aux handicapés. Situés dans les étages des immeubles parisiens, ces cabinets ne sont en effet pas accessibles aux personnes à mobilité réduite. Les réaménager coûterait très cher. Une situation peu attractive pour un jeune médecin qui voudrait reprendre un cabinet.
Non renouvellement de la profession. Gérard Lyon connait le problème par coeur : “dans le 17ème arrondissement, 51% des généralistes seront partis dans les neuf années qui arrivent. A l’échelle de Paris, la pyramide des âges est en réalité inversée. On trouve plus de 1000 généralistes qui ont 60 ans et plus alors que les trentenaires se comptent seulement en dizaines”. Les chiffres sont en effet éloquents. Sur l’ensemble du territoire parisien, la moyenne d’âge des médecins généralistes est de plus de 56 ans, contre 51 ans sur le territoire national, et 36% d’entre eux ont plus de 60 ans.
Luc Cherrati, 60 ans, médecin généraliste dans le 16ème, est un peu fataliste : J’aimerais que mon cabinet soit repris à ma retraite, mais je pense que ce sera difficile.” Le médecin explique que les jeunes ne sont pas intéressés par la médecine généraliste. “Il y a une pénurie qui s’installe, il me semble”, poursuit-il. “J’entends beaucoup de patients me dire qu’ils cherchent un médecin traitant mais beaucoup refusent car ils ont déjà trop de clientèle”.
David Azerad, le jeune médecin, préfère lui rester optimiste sur l’ouverture de son cabinet à Paris :”c’est compliqué mais je commence à faire des visites. C’est clair que le risque financier est supérieur à Paris par rapport aux zones rurales. Ce que j’espère, c’est un coup de pouce de la mairie pour l’installation”.
La mairie de Paris se saisit du problème. Justement, lors du dernier conseil de Paris fin octobre, la maire de la capitale, Anne Hidalgo a proposé un plan pour pallier au problème. Trois propositions ont été faites : étendre les horaires des centres municipaux jusqu’à 19 heures, une mesure expérimentée en 2013 et généralisée d’ici à juin 2015, aider à la création de maisons de santé pluridisciplinaire et soutenir l’installation de professionnels en secteur 1 et en exercice groupé. Pour cette dernière proposition, Paris proposera des locaux à loyers réduits. En contrepartie, les médecins devront s’engager s’implanter dans la durée et à mener des actions de santé publique sur le territoire parisien. Cette mesure sera proposée au Conseil de Paris en mars 2015 pour être opérationnelle dès le premier semestre 2015. L’avenir dira si ce plan suffit à inverser la tendance.