L'INFO. L'ONG Médecins sans frontières elle-même le dit : l’épidémie est "hors de contrôle". L’Organisation mondiale de la santé réagit en demandent aux trois pays concernés par le virus Ebola de prendre des mesures drastiques pour circonscrire la maladie. Depuis le début du mois de janvier, près de 350 personnes sont mortes de la fièvre hémorragique, au Sierra Leone, en Guinée et au Liberia, mais l’OMS craint une "propagation internationale". Europe 1 a demandé à Daniel Epstein, un porte-parole de l’OMS, jusqu'où peut aller le virus.
Comment en est-on arrivé à une telle perte de contrôle d’une maladie aussi mortelle que l’Ebola ?
Daniel Epstein : "Nous partageons l’inquiétude de MSF. L’épidémie est présente dans au moins dans trois pays différents et traverse les frontières. Elle a fait son entrée dans des zones urbaines.
Pour tenter de contrôler la maladie, il faut énormément communiquer dans les zones rurales, qui ont été les principales victimes de la maladie. Et il est très difficile de rentrer dans ces lieux très traditionalistes dont les habitants n’écoutent pas les gens qui viennent du dehors. Changer les pratiques qui favorisent la propagation de l’Ebola, comme les funérailles ou d’autres rites sociaux, est quasiment impossible.
Les habitants résistent même aux médecins locaux, qui viennent pour les informer et les éduquer sur l’Ebola. Nous avons vu, dans certains cas, des villageois lancer des pierres sur les personnes qui viennent à leur rencontre.
Dans les zones rurales, trouver la personne malade, rechercher ses proches et toutes les personnes qui ont pu être en contact avec elle est particulièrement compliqué. Même en France, il serait difficile de retrouver tant de personnes qui bougent, voyagent et passent librement d’un village à l’autre.
La coordination entre les trois ministères de la Santé des pays touchés a également achoppé. Obtenir, envoyer et utiliser les équipements de protection personnelle n’est pas une sinécure. Mais aujourd’hui, les pays prennent conscience qu’il leur faut travailler ensemble. Ils se rencontrent à Accra, au Ghana, en juillet.
L’épidémie peut-elle s’étendre à d’autres pays, voire jusqu’en Europe ou en France ?
C’est possible. On ne peut jamais rien prévoir, dans une épidémie. Les gens voyagent et ramènent l’épidémie dans d’autres pays.
Doit-on être inquiet en Europe ? Je doute qu’il y ait une grosse épidémie d’Ebola sur ce continent. Il pourrait y avoir des cas isolés de personnes qui ont voyagé avant l’apparition des symptômes. Un voyageur malade qui arriverait en Europe n’infecterait pas des centaines de personnes, comme la grippe peut le faire.
Rappelons qu’il faut des contacts très proches pour attraper le virus, des contacts avec le sang, les fluides corporels de malades. L’Ebola se transmet sexuellement.
Les autorités sanitaires européennes seraient-elles en mesure de gérer des cas d’Ebola ?
Je ne pense pas qu’une telle situation créerait une épidémie. La maladie, lorsqu’elle est avancée, consiste en une fièvre hémorragique très sérieuse, presque impossible à arrêter. On peut soulager le patient mais il n’existe ni vaccin, ni médicament.
Dans les pays européens, les soins, excellents par ailleurs, ne garantiraient pas la survie du malade. Mais l’épidémie actuelle en Afrique n’atteindrait sûrement pas un tel stade. Au Sierra Leone, en Guinée et au Liberia, l’Ebola se transmet à l’intérieur même des centres de santé, des hôpitaux, des cliniques. Dans les trois pays, les médecins n’ont pas assez d’équipement de protection et ils peuvent et ont attrapé la maladie des patients qu’ils traitaient.
Avec les méthodes de contrôle des infections des hôpitaux modernes, on limiterait certainement la transmission des cas, notamment en mettant le patient en quarantaine."
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