L’université de Strasbourg conserve-t-elle encore dans ses murs des restes de victimes juives des nazis ? C’est ce que laisse entendre Michel Cymes, médecin et animateur du Magazine de la santé sur France 5, dans son livre, Hippocrate aux enfers, consacré aux médecins des camps de concentration. Une accusation rejetée en bloc par l’université strasbourgeoise, qui évoque des "rumeurs", avancées "sans preuves". Retour sur une polémique sur fond de mémoire douloureuse.
Mise à jour lundi 20 juillet : Six mois après le début de cette polémique, des restes de victimes juives ont bien été retrouvées à l'institut de médecine légale de Strasbourg. Le chercheur Raphaël Toledano est parvenu à identifier plusieurs pièces, dont "un bocal contenant des fragments de peau d'une victime de chambre à gaz". Invité d'Europe 1 lundi 20 juillet, Raphaël Toledano a raconté avoir retrouvé ces pièces "presque par hasard" et appelle à déclencher investigations et recherches. "D'autres découvertes sont possibles", a-t-il reconnu.
Des restes dans des bocaux. Dans son ouvrage, Michel Cymes soutient que l’université de Strasbourg abriterait encore des coupes anatomiques remontant à l’époque nazie, provenant de certaines des 86 victimes juives d’August Hirt, un médecin nazi qui officiait pendant l’Occupation à l’Institut d’anatomie de Strasbourg. Il s’appuie pour cela sur les propos du psychiatre strasbourgeois Georges Federmann, dont le nom n’est pas cité expressément dans le livre.
Georges Federmann est également président du cercle Menachem Taffel, qui œuvre pour la mémoire des 86 victimes juives déportées à Auschwitz, gazées en Alsace, au camp du Struthof, et dont les corps ont été transférés à l’Institut d’anatomie. Le médecin, interrogé par l’animateur, aurait évoqué un creux axillaire (située au niveau de l’aisselle), une main et une coupe transversale de la tête, conservés dans des bocaux.
L’université contre-attaque. L’université strasbourgeoise s’est fendue d’un communiqué dans lequel elle assure que les corps ont quitté l’Institut dès septembre 1945. Les restes, dont une partie ont été découverts en décembre 1944, ont été "enterrés au cimetière juif de Cronenbourg, à l’endroit où fut apposée il y a quelques années la stèle qui porte le nom des 86 victimes", explique l’institution, insistant : "depuis 1945, il n’y a donc plus aucune des parties de corps à l’Institut d’anatomie et à l’Université de Strasbourg".
Communiqué de presse @unistra : Le livre « Hippocrate aux enfers » met en cause notre honnêteté intellectuelle http://t.co/sj5uws4xdm— Univ_Strasbourg (@unistra) January 28, 2015
Affirmer que des restes de victimes subsistent ou auraient subsisté à l’université est donc "faux et archi-faux", a martelé mercredi le président de l’université, Alain Beretz. Christian Bonah, professeur d’histoire de la médecine à l’université de Strasbourg s’est est lui aussi pris à Michel Cymes, accusé d’avoir écrit "un livre qui cherche plutôt à faire sensation". Et si l’auteur "est très fidèle aux faits", il se réfère selon lui "à des travaux anciens. Tout est dans le flou".
Le Dr Federmann s’estime "trahi". Quant au Dr Federmann, dont le nom n’est pas cité directement dans le livre, il s’estime "trahi" par Michel Cymes quand celui-ci "laisse entendre qu’il resterait des restes des 86". L’animateur et médecin lui a répondu par courrier. "Au lieu de m’accuser de déformer l’Histoire, il serait plus judicieux de se battre contre ceux qui essaient de l’étouffer", lui suggère Michel Cymes, qui estime aussi que son livre "fait plus pour le devoir de Mémoire que des dizaines d’autres passés inaperçus".
Les deux hommes vont pouvoir en discuter de vive voix : Michel Cymes s'est rendu vendredi à Strasbourg pour présenter son livre. Et le Dr Federmann a bien l’intention de profiter de cette occasion pour débattre avec lui.
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