Le terme "journée" de travail a de moins en moins de sens. En l'espace d'une vingtaine d'années, le nombre de salariés travaillant la nuit est passé de 2,4 millions de personnes à 3,5 millions, soit un million de salariés en plus. Plus d'un salarié sur sept travaillait la nuit (15,4%) en 2012, habituellement ou occasionnellement, selon une étude du ministère de l'Emploi (Dares) publiée jeudi.
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Or, travailler de nuit n'est pas sans risque pour la santé, et peut dérégler l'humeur, la digestion ou le sommeil. Il accroît également le risque d’accidents cardiovasculaires et peut même rendre les femmes plus vulnérables au cancer du sein.
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Quels conseils pouvez-vous donner aux travailleurs de nuit ? "L'homme n'est pas du tout fait pour ça. Donner des conseils simples, c'est aller dans le mur. Autant conseiller d'arrêter de respirer. Ce qu'il faut d'abord retenir, c'est que certains sont plus vulnérables que d'autres. Si vous souffrez énormément lorsque vous travaillez la nuit, dites stop. Et n'y allez vraiment pas si vous souffrez d'une maladie du sommeil. Les personnes atteintes de tendinites ne deviennent pas magasinier. Le travail de nuit est réservé aux gens en bonne santé.
C'est donc primordial d'avoir une consultation avec un spécialiste. La plupart du temps, les gens acceptent ces horaires puis viennent nous voir ensuite, lorsqu'ils souffrent. Le bon message est d'aller voir un expert avant de commencer. C'est comme une compétition sportive : il faut s'y préparer, et donc avoir un coach".
Et pour ceux qui sont prêts ? "Il faut essayer d'avoir des horaires stables, et ne pas changer tous les jours, ni même toutes les semaines ou tous les mois. Mais il n'y a pas de règle.
Il faut surtout se mettre réellement en tête qu'il s'agit d'un bouleversement de vie, et adapter sa vie sociale. Certains n'ont pas compris qu'il fallait faire une vraie coupure la journée, dormir le nombre d'heures nécessaires. Ils continuent à vouloir avoir une vie 'normale', ils s'occupent de leurs enfants. C'est un problème très compliqué, d'autant que beaucoup de mères seules acceptent ce type d'horaires (le nombre de femmes travaillant la nuit a doublé en vingt ans, pour atteindre un million en 2012)".
Existe-t-il des traitements pour se sentir mieux ? "La technique de la lumière bleue (une lumière artificielle qui aide à tenir éveiller la journée ndlr) peut permettre de réguler le sommeil. Certaines études ont également prouvé qu'elles pouvaient augmenter les performances nocturnes. Mais il faut absolument aller consulter et voir un spécialiste avant."