C'est une première en France. Le centre hospitalier Annecy Genevois a été autorisé à prélever des organes sur une personne morte après que l'équipe médicale a décidé de stopper les traitements pour la maintenir en vie.
A LIRE AUSSI >> Dons d'organes : les prélèvements en hausse de 4%
>>> Le protocole est complexe. Europe 1 vous aide à y voir plus clair avec le professeur Bastien, directeur du prélèvement et de la greffe à l'Agence de biomédecine.
• Qu'est ce qui était autorisé jusqu'ici ? Jusqu'à présent, les prélèvements d'organes de patients n'étaient possibles que dans deux hypothèses : en cas de mort encéphalique, c'est-à-dire quand le cerveau est irrémédiablement détruit ou en cas d'arrêt cardiaque non contrôlé, par exemple après un infarctus.
• Quelles conditions pour ces prélèvements ? Ce type de prélèvement, autorisé dans la législation depuis 2005, sera dans un premier temps réservé à "quelques sites" hospitaliers "pilotes". Depuis la loi Léonetti de 2005 qui proscrit l'acharnement thérapeutique, il peut être décidé d'arrêter des traitements vitaux lorsque ces soins "apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie".
• De quel type de patients parle t-on ? Une précision importante, ce protocole n'est prévu que pour des patients "en phase aigüe de réanimation" et non "en coma chronique depuis plusieurs mois" (comme Vincent Lambert), prend soin de souligner le professeur Bastien. Le directeur du prélèvement et de la greffe à l'Agence de biomédecine donne l'exemple d'une personne atteinte d'un AVC dont la tentative de réanimation aurait échoué. L'équipe médicale pourra alors décider de ne pas aller plus loin dans la réanimation lorsque ces soins "apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie" pour reprendre les termes de la loi Léonetti.
• Tous les hôpitaux peuvent-ils le faire ? L'Agence de la biomédecine a mis au point ces deux dernières années un protocole médical, en concertation avec des experts (urgentistes, réanimateurs, spécialistes de la fin de vie), que les hôpitaux qui souhaitent pratiquer ce type de prélèvements devront suivre. Dans chaque cas, les hôpitaux participants doivent signer une convention par laquelle ils s'engagent à respecter ce protocole médical en bonne et due forme.
• Cela existe déjà ailleurs ? Oui. Ce type de prélèvements est déjà possible dans plusieurs pays d'Europe, notamment les Pays-Bas et le Royaume-Uni, où ils représentent respectivement environ 51% et 38% du volume total des prélèvements d'organes.
• Quel est l'intérêt de cette pratique ? Ce protocole permettra d'augmenter le nombre d'organes disponibles pour des dons, et, ainsi, à terme, de réduire l'attente pour les demandeurs de greffes. Aujourd'hui, il faut en moyenne trois ans pour espérer la transplantation d'un rein. L'urgence est d'augmenter le nombre de greffons disponibles et réduire le déficit important en matière de transplantations : en 2013, 5.123 greffes ont été réalisées alors que 18.976 personnes étaient en attente d'une greffe.
• Quels garde-fous ? Il y en a deux, essentiels, selon le professeur Bastien. D'une part, aucun prélèvement de ce type n'est possible sans l'accord express de la famille. D'autre part, la décision d'arrêter les traitements est "indépendante" de celle de prélever des organes. "Ce sont deux phases séparées. Il doit y avoir une strict "étanchéité" entre les équipes de réanimation et celles de prélèvement, pour éviter que la décision des uns n'influe sur les choix des autres", conclut le professeur Bastien.