Faut-il forcer son enfant à finir son assiette, ou au contraire le laisser choisir ses aliments ? L'obliger à prendre un petit-déjeuner ou le laisser choisir de le "sauter" ? Comment réagir si l'on constate que son enfant est en surpoids, ou si, adolescent, il choisit un régime alimentaire différent du nôtre, comme le véganisme ? Autant de questions que se posent les parents, à qui l'on répète que les habitudes alimentaires prises pendant l'enfance sont cruciales. Invité de Sans Rendez-vous, le docteur Arnault Pfersdorff, pédiatre réanimateur et auteur de Votre enfant de 0 à 16 ans (Ed. Hatier Parents), livre quelques clés pour ne pas commettre d'impair.
Respecter les goûts de l'enfant et ne pas le forcer
"Un enfant ne mourra jamais de faim, ça n'existe pas dans nos contrées", pose d'emblée Arnault Pfersdorff. En revanche, "ceux qui refusent de manger des légumes plus tard sont souvent ceux qui ont reçu des injonctions au moment de la diversification alimentaire". Selon le spécialiste, "il faut donc faire confiance à l'enfant" et ne jamais le forcer, quitte à ce qu'il mange moins de temps en temps, en particulier entre trois et six ans. "Trois repas par jour suffisent, ce qui compte, c'est qu'il y ait un équilibre entre ceux-ci."
Ce conseil est particulièrement important en cas de néophobie alimentaire, "une peur d'origine psychogène de tous les nouveaux aliments", qui peut survenir entre deux et huit ans. "Il faut respecter les goûts de l'enfant : grâce à la neuroscience, on sait aujourd'hui qu'un nouveau-né a déjà des préférences pour tel et tel type de lait ou d'aliment et qu'il va reconnaître les saveurs. Il faut lui laisser le temps", exhorte le pédiatre.
Sans forcer, une astuce peut cependant permettre d'avoir plus de chance que son enfant finisse son repas. "Quand il commence à voir une assiette très pleine, il bloque", note Arnault Pfersdorff. "Autant lui mettre une petite assiette avec un peu de quantité, et on peut le resservir après."
Avoir conscience du fait que l'on sert d'exemple
Ce conseil vaut d'abord pour les aliments consommés. "Il faut donner l'exemple, et pas seulement avec les légumes : il y a aussi les céréales, les œufs à la coque...", énumère le pédiatre. Autant de produits bons pour la santé et qui peuvent être mangés à tous les repas. "On a tendance à faire un gros repas surchargé le soir, le repas convivial, mais si l'on fait ça, l'enfant mange de plus en plus le soir et de moins en moins le matin, surtout vers la préadolescence."
Mais cette exemplarité vaut aussi pour le mode de vie en général, dont toutes les composantes influent sur la santé. "Il est certain qu'il y a de bonnes habitudes qui doivent être prises tôt, comme bouger, éliminer et boire", explique Arnault Pfersdorff. "Quand on mange avec la télévision allumée, on ne donne pas l'exemple", pointe encore le médecin, pour qui les repas doivent être des temps de disponibilité de tous les membres de la famille afin que l'enfant comprenne qu'ils sont importants.
Ne pas stigmatiser un enfant en surpoids
Et si, malgré les efforts des parents, l'Indice de masse corporelle (IMC) d'un enfant, calculé à partir de son poids et de sa taille, indique un surpoids dans les premières années de sa vie ? "En dehors des facteurs environnementaux, comme un enfant qui mange trop, ou qui ne bouge pas, lorsqu'un enfant doit faire de l'obésité, c'est un peu écrit dans ses gènes", répond le spécialiste.
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Médecins et parents doivent alors "faire très attention à ne pas faire de cet enfant un enfant qui sera mal dans sa peau", selon le pédiatre. "Aujourd'hui, je dis à certains enfants plus âgés, quand ils vont rentrer dans la préadolescence : 'Tu es en surpoids, ce n'est pas grave, on va faire en sorte que tu le vives bien'. Le discours est différent d'avant."
Responsabiliser et autonomiser son enfant
Pour parvenir à un équilibre dès le plus jeune âge, l'une des clés est l'autonomie, selon Arnault Pfersdorff. Le pédiatre cite un premier exemple : le fameux "une cuillère pour papa, une cuillère pour maman" utilisé pour inciter les plus petits à accepter de se nourrir. Une expression à bannir selon lui, car "il faut que l'enfant avance pour lui, pour se sociabiliser et s'autonomiser. Pas pour faire plaisir à ses parents."
Lorsque l'enfant grandit et devient un adolescent qui refuse de prendre le petit-déjeuner, la logique est la même : "Il faut qu'il comprenne de lui-même que c'est important pour lui", explique le pédiatre. "Si on lui met la pression, il va encore moins vouloir prendre le petit-déjeuner. Mieux vaut lui expliquer pourquoi c'est important, plus que de prendre un gros dîner", par exemple pour éviter de ne plus avoir d'énergie pour le cours de sport de 10 heures.
Ne jamais se moquer et être à l'écoute
Enfin, Arnault Pfersdorff évoque un phénomène qu'il observe depuis une dizaine d'années : les choix alimentaires de plus en plus marqués, dès le plus jeune âge. "On a 10 à 13% des adolescentes qui sont vegan et souvent les garçons suivent, pour être bien avec les filles", affirme-t-il. Une décision qui survient souvent vers l'adolescence, car "c'est un outil extraordinaire pour s'opposer aux parents".
La bonne attitude consiste alors à ne surtout pas se moquer ou critiquer son enfant, au risque de "lui faire du mal". "Un ado qui a un choix décisionnel, ça lui appartient", insiste le pédiatre. "Il faut valoriser son choix, l'écouter, lui demander de raconter. Et petit à petit on va parler de calcium, d'un peu de lait, d'un peu de vitamine D..." Bref, de tout ce dont il pourrait manquer pour bien grandir, mais avec pédagogie.