Vous souffrez du dos, des tendons ou du poignet ? Vous n'êtes pas seuls. Pas moins de 80% des arrêts de travail en France sont dus à un "trouble musculo-squelettique" (TMS), selon l'Assurance maladie. Plus de 45.000 travailleurs seraient touchés chaque année dans l'Hexagone. S'ils ne sont pas aussi dangereux que les maladies liées à l'amiante et autres substances nocives (pesticides, produits nettoyants etc.), qui continuent de tuer des centaines de milliers de personnes chaque année, les "TMS" n'en restent pas moins les maladies professionnelles les plus fréquentes au monde. À l'occasion de la Journée mondiale de la sécurité et santé au travail, qui se tient jeudi, Europe 1 vous présente ces troubles des temps modernes. Et vous donne quelques tuyaux pour les prévenir.
>> Qu'est-ce qu'un "TMS" ?
Les troubles musculo–squelettiques (TMS) affectent les tissus mous à la périphérie des articulations. Muscles, tendons, nerfs, ligaments, bourses séreuses, capsules articulaires et autres vaisseaux peuvent être frappés. Cela entraîne alors de fortes douleurs aux dos (dans 34% des cas), mais aussi aux épaules, aux coudes, aux poignets ou même aux genoux. Lombalgies, cervicalgies, douleurs articulaires, tendinites ou encore syndrome du canal carpien (qui affecte le nerf du poignet) sont les maladies professionnelle les plus répandues. Elles "s'expriment par de la douleur mais aussi par de la raideur, de la maladresse ou une perte de force", explique l'Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS).
>> Quelles en sont les causes ?
Les facteurs biomécaniques. Selon l'INRS, le travail et son environnement représentent la principale cause des TMS. Les premiers facteurs sont dits "biomécaniques" : la répétitivité des gestes, les efforts excessifs, les postures répétées ou extrêmes (lorsqu'on se baisse souvent par exemple), l’exposition au froid ou aux vibrations constituent des facteurs aggravants.
Selon le ministère du Travail, les salariés de la grande distribution sont les plus concernés : les activités de rangement en magasin et même de caissiers entraînent des gestes et des postures répétitifs, ravageurs pour le dos, les poignées ou l'épaule par exemple. Viennent ensuite les aides à domicile (qui travaillent auprès des personnes âgées notamment), le personnel de garderie et le secteur de la propreté, ainsi que tous les salariés du secteur agricole. "Aucun secteur professionnel n’est épargné", prévient toutefois le ministère du Travail. La grande distribution, le secteur le plus touché, ne représente que 7% des cas totaux, preuve de l'extension de ces "TMS".
Ainsi, un employé qui reste toute la journée assis devant son ordinateur peut, lui aussi, facilement contracter une "TMS". "Le travail sur écran se caractérise par une posture statique maintenue pendant de longues périodes, constituant ainsi un risque de survenue de TMS", décrypte l'INRS. L'Institut cite également des risques liés au "travail répétitif effectué par les doigts" à "l’extension du cou pour améliorer la visibilité de l’écran" ou encore à "un appui continuel du poignet pendant la frappe".
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— Préventica (@Preventica) 22 avril 2016
Le stress également au cœur du problème. Les facteurs ne sont pas non plus uniquement "biomécaniques". L'organisation du travail et les facteurs psychosociaux sont en effet primordiaux. Le stress, la frustration ou la fatigue (y compris "nerveuse") accentuent la pression sur les muscles, et donc les risques. Les TMS sont liés "à des niveaux élevés de stress perçu lié au travail, à une charge et des exigences de travail élevées, à un faible soutien social, à un faible contrôle sur son travail, à un faible niveau de satisfaction au travail et au travail monotone", écrit ce mois-ci le Bureau international du Travail (BIT), dans un vaste rapport sur le stress. "Il est établi que le déséquilibre entre effort et récompense et des difficultés de communication avec les collègues et les superviseurs, ainsi que la violence sur le lieu de travail (en particulier le harcèlement et l’intimidation) ont été associés aux TMS", poursuit le BIT.
>> Comment éviter les "TMS" ?
Ce que peut faire l'employeur. L'employeur a un rôle primordial dans la prévention des TMS. Dans le management, d'abord : moins un salarié sera sous pression, fatigué ou frustré, moins le risque de TMS sera grand. Il est également recommandé aux employeurs de faire "tourner" leurs salariés, de ne pas les affecter à la même tâche toute la journée, surtout si elle est physique et répétitive.
Parfois, un petit investissement ou un changement minime dans l'organisation des tâches peuvent faire le plus grand bien. Equiper un magasin d'un diable pour porter les charges, équiper les manutentionnaires d'un bras à ventouse pour leur éviter de se baisser, mettre les produits les plus lourds vers soi et les plus légers vers les clients pour éviter de trop se pencher sur un étal, instaurer des taux de remplissages de poubelles moins élevés pour permettre aux femmes/hommes de ménage de les porter plus facilement, apposer des poignées anti-vibration sur un marteau-piqueur… Toutes ces petites attentions peuvent, à long terme, sauver la vie d'un salarié. Le ministère du Travail (la fiche est ici) ou l'INRS (ici) proposent des guides à destination des entreprises.
Ce que peuvent faire les salariés. Le salarié peut, de lui-même, tenter d'améliorer sa condition de travail. Au moins cinq minutes de pause toutes les heures pour des tâches intensives, ou 15 minutes toutes les deux heures pour celles qui le sont un peu moins permettent de bouger un peu ses articulations et de diminuer le stress. Devant un écran, il est également conseillé d'alterner les méthodes pour taper sur le clavier : avec ou sans poignet posé par exemple.
Pour les travaux plus manuels et physiques, servez-vous autant que possible des jambes plutôt que du dos, évitez de porter des charges trop lourdes d'un seul coup ou travaillez, si vous le pouvez, en maintenant le corps en position verticale et les bras près du corps. "Faites toujours chaque geste dans la position la moins contraignante pour les muscles les plus sollicités, en évitant de vous contorsionner", résume l'Assurance maladie, qui met à disposition un tableau de conseils ici. Une activité physique régulière ainsi qu'un échauffement (pas trop poussé) avant une forte activité sont également recommandées. Enfin, travaillez avec une lumière adaptée : un mauvais éclairage peut pousser un salarié à fléchir son cou de façon excessive pour regarder un document ou une pièce par exemple.
Un travail d'équipe. En cas de douleurs ou même à titre de préventif, il est surtout prescrit de se faire examiner régulièrement par la médecine du travail ou par votre généraliste, voire de se rapprocher des services dédiés d'une Carsat (Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail), d'une CGSS (Caisse Générale de Sécurité Social), d'une Aract (assurance régionale pour l'amélioration des conditions de travail) ou d'un délégué du personnel, pour faire le lien avec l'employeur. "Tout le monde est concerné au sein de l'entreprise", insiste auprès d'Europe 1 Agnès Aublet-Cuvelier, médecin et chercheuse à l'INRS. Et de conclure : "salariés et employeurs doivent être des sentinelles, ils doivent être capables de repérer les facteurs de risque. La première mesure à prendre, c'est donc de les former tous".