La progression continue du coronavirus en France doit-elle inquiéter ? Depuis samedi, l'Hexagone est devenu l'un des principaux foyers du coronavirus en Europe avec l'Italie et l'Allemagne, avec 191 cas et trois morts depuis la fin janvier, poussant le gouvernement à adopter une nouvelle batterie de mesures. Invité dimanche d'Europe 1, l'épidémiologiste William Dab n'écarte pas l'hypothèse d'une "épidémie sévère", et compte sur les médecins de ville pour soulager les hôpitaux.
De nombreux rassemblements annulés
Samedi, le ministère de la Santé a annoncé l'annulation de "tous les rassemblements de plus de 5.000 personnes en milieu confiné", mais aussi celle des rassemblements "en milieu ouvert quand ils conduisent à des mélanges avec des populations issues de zones où le virus circule possiblement". En revanche, le gouvernement exclut à ce stade l'annulation des élections municipales.
En revanche, d'autres mesures prises au début de l'épidémie ont été levées, parmi lesquelles le confinement recommandé aux personnes revenant d'une zone à risque. La France étant désormais passée dans la "phase 2" de l'épidémie, la priorité des autorités sanitaires est désormais d'éviter les regroupements de population trop importants.
"On est passé dans une autre phase", confirme Anne-Claude Crémieux, professeure de maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Louis. "Il y a des zones de transmission actives sur notre territoire. On sait de façon claire que, dans ces cas-là, en plus des mesures déjà prises, qui sont la recherche de 'cas contacts' et l'isolement des patients, il faut éviter les rassemblements de population et prendre des mesures-barrières qui permettent de freiner la diffusion du virus".
Le nombre de cas va-t-il continuer d'augmenter fortement ?
"La raison est d'envisager toutes les possibilités, y compris celle d'une épidémie sévère", explique William Dab. "On ne sait pas si elle surviendra, mais il n'y pas de raison de ne pas y penser". Selon l'ancien directeur général de la Santé, une augmentation exponentielle du nombre de cas est "le scénario le plus vraisemblable". "L'expérience depuis 6 semaines nous apprend que, sur une durée d'environ deux semaines, chaque malade en contamine en moyenne deux autres", rappelle-t-il. Et alors que l'Italie a franchi samedi les 1.000 cas confirmés, l'épidémiologiste estime ce scénario probable en France. "À partir du moment où on a franchi le seuil de 100 cas, il me parait inévitable qu'on en aura un millier dans la semaine qui vient", prévient-il. C'est le cas en Italie, où le virus, apparu il y a un peu plus de deux semaines, a déjà contaminé 2.000 personnes et fait 52 morts.
Le monde hospitalier peut-il tenir le choc ?
Alors que l'hôpital public est en crise depuis plusieurs mois, une forte augmentation du nombre de cas ne pourrait-elle pas déborder des personnels hospitaliers en manque de moyens ? "Nous avons une offre hospitalière importante", rappelle William Dab, "plus que dans des pays voisins". Mais, reconnaît-il, "s'il y a des dizaines de milliers de malades qui doivent subir des soins en service de réanimation pendant une période de plusieurs semaines, nos capacités seront saturées et le seraient dans n'importe quel pays"
Pour éviter cette situation, William Dab insiste sur l'importance des mesures-barrière. "Elles ne vont pas complètement éviter le risque", concède-t-il, "mais il est important que ce risque soit le plus étalé possible dans le temps". "Il faut étaler cette pression sur le système hospitalier", insiste l'invité d'Europe 1.
Un autre moyen, selon William Dab, de soulager l'hôpital, est d'insister sur le rôle des médecins de ville. "C'est en train d'être organisé. Ils vont être équipés en masques ", explique-t-il, rappelant que "face à une grippe classique, ce sont les médecins de ville qui interviennent". Et d'assurer : "Ils sont tout à fait prêts à faire face à cette épidémie".